

Plongeons à Amsterdam au 17ème siècle en compagnie de Spinoza, auteur de l'"Éthique" et penseur novateur du concept de liberté, à l’encontre d’une certaine intuition que nous pourrions avoir de cette dernière. La liberté serait-elle plutôt une libération ? Est-ce la connaissance qui nous libérera ?
- Ariel Suhamy spécialiste de Spinoza et éditeur du site "La Vie des idées"
Baruch Spinoza naît le 24 novembre 1632 à Amsterdam dans une famille de commerçants juifs portugais. Il est l’auteur de plusieurs traités politiques et de l’Ethique, un livre qui se déploie en cinq parties traçant lentement, pas à pas, le chemin vers la vérité, c’est à dire vers la libération.
Son oeuvre, comme toutes les grandes oeuvres, est souvent réduite à quelques citations devenues des malentendus…
Que signifie donc cette phrase écrite dans une lettre à son ami Schuller à la fin de sa vie, en 1674 :
La liberté consiste uniquement dans le fait que les hommes sont conscients de leurs appétits et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés.
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L'invité du jour :
Ariel Suhamy, auteur d'ouvrages autour de Spinoza et anime la revue en ligne La Vie des idées au College de France
La liberté selon Spinoza
Cette citation est une critique de la notion ordinaire de liberté : c’est parce que les hommes ignorent ce qui les détermine qu’ils s’imaginent capables de commencer des actions ou des pensées à partir de rien. Mais ça, c’est une illusion que le spinozisme détruit pour y opposer une autre conception de la liberté qui, elle, est compatible avec le déterminisme universel qui est l’objet et la matière même de la science du 17ème siècle. Descartes, Galilée, ont reconnu que tous les évènements de la nature sont causés de manière nécessaire par des relations causales que la science, les mathématiques, peuvent comprendre… Il y a une exception pour ces savants : c’est l’homme lui-même, que l’on suppose doué du libre arbitre, en cela il échapperait au déterminisme universel. Le propos de Spinoza est d’élargir jusqu’à l’homme le déterminisme : pour lui, tous les hommes sont déterminés dans leurs actions. Il repense alors la liberté : qui n’est pas le fait d’échapper au déterminisme mais le fait d’être déterminé de l’intérieur par sa propre nature et non pas de l’extérieur par des causes contraires.
Ariel Suhamy
Comment se libérer des illusions ?
L’homme est une production de la nature, c’est-à-dire de Dieu, et à ce titre il ne se distingue pas des autres animaux, il est un mode de la substance entièrement déterminé. Par contre il est un mode bien particulier. Dans la lettre à son ami Schüller, Spinoza fait remarquer que les hommes sont victimes de cette illusion de libre arbitre et il ajoute qu’ils ne s’en libèrent pas facilement. Mais si l'homme réfléchit, s’il s’élève jusqu’à l’idée de dieu, il a alors la capacité de se libérer… S’il n’est pas libre au sens du libre arbitre, il est capable de se libérer des illusions, là est la vraie liberté.
Ariel Suhamy
Textes lus par Eric Herson-Macarel :
- Extrait de Correspondance, de Spinoza, Lettre 58 à Schuller, 1674, traduction M. Rovere, éditions Garnier- Flammarion, 2010, p. 318-319
- Extrait de Lettre au père Mesland, de Descartes, daté du 9 février 1645
- Extrait de Lettre 78 – Au très noble et savant Henri Oldenburg (La Haye, 7 février 1676), de Spinoza, dans les Œuvres complètes, traduction Thibault Gress, Robert Laffont, 2019, p. 1189.
Sons diffusés :
- Montage ouverture d'émission par Nicolas Berger avec : extrait du film Pascal et Descartes de Rosselini, Les Femmes Savantes de Molière, Rembrandt de Charles Matton et Spinoza – The Apostle of Reason de Tariq Ali
- Musique de Luigi Boccherrini, Quintette en ré majeur
- Musique de Toru Takemitsu, All in twilight dark
- Chanson de fin : The Fortunes, Freedom come, Freedome go
L'équipe
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