Au théâtre, les mots sont très souvent accompagnés de gestes. Mais quelle est la force cette gestuelle ?
- Jean-Loup Rivière Critique de théâtre et professeur à l'ENS-LSH de Lyon, ancien conseiller littéraire et artistique à la Comédie Française.
Sur scène, la gestuelle amplifie les mots. Grâce aux didascalies, les gestes des comédiens peuvent souligner l'excitation ou dévoiler l'angoisse d'un personnage. Mais parfois, le corps peut aussi trahir notre pensée... avec, par exemple, les actes manqués. Au théâtre, aucun geste n'est gratuit.
Et pour percer les mystères de la gestuelle au théâtre, l'émission "Les Chemins de la philosophie" reçoit le critique de théâtre Jean-Loup Rivière.
Le théâtre met en scène des personnages, qui s'expriment avec les mains, comme dans la vie. Mais le jeu des mains n'est-il pas parfois redondant par rapport au discours ?
On reconnait un mauvais comédien à ses mains. Un acteur qui ne sait pas quoi faire de ses mains, c'est le point par lequel on comprend qu'un acteur est déficient. Le geste est un langage, mais il peut aussi être de l'action. Il n'y a pas 36 parties du corps qui peuvent être expressifs. Il y a la posture, le visage et les mains. Le mime est comme l'emblème et le restaurateur de la place du corps au théâtre. Jean-Loup Rivière.
Si on quitte le point de vue de l'acteur, et qu'on adopte celui du metteur en scène, le geste peut devenir une intrigue à lui seul. Dans Le Cid, de Corneille, Don Gomès donne un soufflet à Don Diègue, le père de Rodrigue, parce qu'il est jaloux de se voir préférer Don Diègue pour le poste de précepteur du prince. Et c'est ce geste qui déclenche le nœud de l'action, car Rodrigue, le fils de Don Diègue, va devoir venger son père, ce qui met en péril son mariage avec Chimène, la fille de Don Gomès. Pour Jean-Loup Rivière, ce soufflet a valeur d'introduction à l'intrigue de la pièce :
C'est un coup qui est porté, c'est un geste qui blesse, c'est donc un défi. C'est un geste intéressant, parce qu'il blesse, et dans le langage cela signifie un défi. Ce soufflet est donc un phrase. Ce geste est lié à un risque de mort, à une image de la mort. De ce soufflet dans "Le Cid" va s'enchaîner un duel.
Le rôle de la main au sein du théâtre est toujours ancrée dans un contexte historique et culturel particulier. Dans Le Cid, la main est un vrai symbole des codes d'honneur de l’aristocratie de l'époque.
Mais les corps ne sont pas uniquement un artifice de la mise en scène, c'est de la position des corps que peuvent naître la dimension tragique d'une pièce :
Depuis l'Antiquité, on soutient que le geste est un langage originel, sinon universelle. L'intérêt que des artistes ou des philosophes peuvent avoir pour le geste est de se dire "il y a là quelque chose qui n'est pas le langage, qui permet de mentir, de se déguiser, de se travestir". Le geste est une parole qui peut se dissimuler. Jean-Loup Rivière
Le corps de l'acteur doit devenir une lettre ou un mot dans un langage plus large, qui est le discours de la scène. Ce qui se trame avec le geste au théâtre, c'est dans une tension entre un corps qui devient un mot écrit, et un corps qui n'est plus qu'énergie et rythme pur. Jean-Loup Rivière
Extraits:
- *Les Barricades mystérieuses, * François Couperin
- Les Comédiens , Charles Aznavour
- Interview du mime Marceau à propos du travail de ses mains.
- Le Cid (acte I, scène 4), Corneille: Captation au théâtre de Chaillot en 1955.
- *Ruy Blas * (acte III, scène 3), Victor Hugo: Captation à la Comédie française en 1932
Lectures:
- "Lettre sur le langage", in Le Théâtre et son double , Antonin Artaud.
- Paul Porel, cité par André Antoine dans *Causeries sur la mise en scène. *
Réalisation: Mydia Portis-Guérin
Lecture des textes: Cécile Backès
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