Épisode 3/4 : "Le Dernier Jour d'un condamné" de Victor Hugo

En 1828, Victor Hugo rédige en deux mois et demi Le Dernier Jour d'un condamné, un roman à thèse engagé sous forme de journal où un homme raconte sa condamnation, ses séjours en prison, le voyage vers l'échafaud... De son crime, nous ne saurons rien. Nous suivons sa vie intérieure, ses émotions, ses angoisses face à l'attente de la mort.
Le Dernier Jour d'un condamné est publié à un moment où la peine de mort est un véritable sujet d’actualité, véritable débat philosophique.
Aux côtés de Chateaubriand, Lamennais, Lamartine, Victor Hugo s'engage pour l'abolition de la peine de mort, ce roman en est le plaidoyer.

L'invité du jour :

Arnaud Laster, universitaire, spécialiste de Victor Hugo, et président de la Société des Amis de Victor Hugo, auteur notamment de Pleins feux sur Victor Hugo, éditions Comédie-Française (1981), Victor Hugo, éditions Belfond (1984) et de nombreuses éditions, annotations et préfaces des oeuvres de Victor Hugo.

Un roman d'une modernité extrême

Avec "Le dernier jour d’un condamné", Victor Hugo tente quelque chose de tout à fait extraordinaire qui est une étape vers la modernité la plus extrême : il prend un personnage, lui fait écrire à la première personne du singulier sans que l’on sache son nom, ce qu’il a fait pour en être arrivé là, et il va nous amener jusqu’à l’instant où on va l’emmener à l’échafaud… Dans la littérature, c’est tout à fait neuf et c’est vraiment une des dimensions de ce texte qui aujourd’hui encore, est reconnu comme tout à fait novatrice.                  
Arnaud Laster

Le combat de Victor Hugo contre la peine de mort

"Le dernier jour d’un condamné" aura des suites dans la littérature de Hugo comme "Claude Gueux" qui est publié 5 ans après, dans la ligne de ce combat qu’entreprend Hugo contre la peine de mort et qui va être un combat constant, permanent, dans son existence. C’est aussi une mise en question des conditions d’incarcération, la prison pouvant couver elle-même de nouveaux crimes.                  
Arnaud Laster

Tendre un miroir aux lecteurs

Je ne crois pas qu’on ait fait quoi que ce soit d’équivalent avant qu’aille aussi loin Hugo dans l’impersonnalité du narrateur et en même temps qui prenne à témoin le lecteur jusqu’à lui faire s’identifier à cet homme. C’est peut-être parce qu’on en sait peu sur son passé que chacun peut se reconnaître en lui. C’est chez Hugo une préoccupation permanente : dans la préface des "Contemplations", beaucoup plus tard, il aura cette phrase : « Ah ! Insensé, qui crois que je ne suis pas toi ! ». Ceux qui voudraient faire de Hugo un homme qui se situe à part se trompent, il y a une volonté de tendre un miroir aux lecteurs et aux lectrices.                  
Arnaud Laster

Textes lus par Hélène Lausseur :

• Extrait du Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo, Chapitre I, 1829
  et musique de John Cage, First construction in metal
• Extrait du Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo, Chapitre VIII, 1829
  et musique d'Igor Stravinsky, Capriccio pour piano 3, Allegro Capriccioso
• Extrait du Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo, Chapitre XXXIX, 1829
  et musique de Rachmaninov, Moment musical pour piano

Sons diffusés :

• Lecture d'Adèle Van Reeth et musique de Rachmaninov, L'île des morts
• Archive de Vladimir Jankélévitch sur la mort pensée par les vivants, Analyse spectrale de l'Occident, France Culture, 1967
  et musique de Rachmaninov, Prélude en ut dièse mineur
• Archive de Robert Badinter sur la peine de mort, Les beaux esprits se rencontrent, France Inter, 2014
• L'attente, poème de Victor Hugo et musique de Camille Saint Saens, L'attente, pour baryton et piano
• Chanson de fin : Johnny Cash, At folsom prison, 25min to go