- Pierre Bouretz philosophe, directeur d’études à l’EHESS
Par Adèle Van Reeth
Réalisation : Olivier Guérin
Lectures : Georges Claisse
« À la catastrophe du réel nous préférons l'exil du virtuel, dont la télévision est un miroir universel », écrit Jean Baudrillard en mars 1991, à la fin des hostilités désignées par l’expression de « Guerre du Golfe ». Fort de cette distinction entre le réel – ce qui se passe- et le virtuel – la représentation de ce qui s’est passé, dans et par les médias, Baudrillard va jusqu’à affirmer que la Guerre du golfe n’a tout simplement pas eu lieu. Phrase provocatrice, certes, mais qui a l’immense vertu d’interroger la valeur ontologique de la réalité véhiculée ou construite dans les médias. En d’autres termes, que désigne l’actualité, c'est-à-dire les événements qui constituent le contenu de ce que nous nommons les informations ? Ces informations sont-elles le reflet fidèle de ce qui se passe (mais alors, à moins d’avoir le don d’ubiquité, comment en juger ? ), ou sont-elles la construction assumée d’une autre réalité, non pas celle des faits soi-disant bruts, qui n’est sans doute d’une illusion, mais celle d’un espace public dont la fonction nécessaire à la démocratie est celle de donner à observer, à critiquer et à penser, ce qui serait le propre du métier du journalisme ?
Or le journalisme est-il le lieu de l’expression d’une réalité, auquel cas sa fonction serait réduite à être un simple vecteur de transmission, et dont le but serait d’être le plus fidèle possible, sans que l’on puisse vraiment définir la réalité à laquelle il faudrait être fidèle ? Ou bien est-il l’espace où se fabrique une réalité, la sienne, et dans ce cas le journalisme ne serait que tautologie, analyse d’un monde que lui-même crée ? Copieur ou créateur, le journaliste a la responsabilité de l’objectivité qu’il doit assumer de manière subjective, car l’information est toujours le résultat d’une sélection en amont et d’une hiérarchie, entre des faits jugés moins importants et ceux qui vont alors constituer des « événements ». Ces critères émanent d’un choix et d’une intention qui s’expriment à travers un ton ou une plume qui sont eux-mêmes travaillés, soit pour atteindre plus d’objectivité, soit au contraire pour exprimer un point de vue, une opinion.
Le philosophe Habermas a montré que la naissance du journalisme a permis celle, fondamentale, d’espace public, où le règne de la raison permettait de stimuler la production critique et intellectuelle. Mais à quelles conditions raison et opinion peuvent-elles faire bon ménage ? Comment s’assurer que cet espace public ne dérive pas en règne du point de vue qui avance avec le masque de la raison universelle ? Espace public, actualité, liberté d’expression et statut de l’information, autant de thèmes qui contiennent des questions redoutables auxquelles nous allons tenter de répondre cette semaine.
Références musicales:
- Stephen Quay , 1st automaton
- Jacques Dutron c, On nous cache tout, on nous dit rien
Lecture:
- Kant , Qu'est-ce que les Lumières ? (Flammarion, GF)
Extraits:
- L'Affaire Dreyfus , téléfilm de Yves Boisset (1995)
- Télé Gaucho , film de **Michel Leclerc ** (2012)
Et les "2 minutes papillon" de Géraldine Mosna-Savoye, à propos de la parution du livre de John Rawls , Justice et critique , aux éditions de l'EHESS
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