Le silence du bourreau

France Culture
Publicité
Avec

Qu’est-ce qu’un bourreau ? Qu’est-ce qu’un monstre ?

Il serait facile de répondre à la première question en la rapportant à la seconde. Dans ce cas, un bourreau est un monstre, et le problème est réglé. Un bourreau est un homme dangereux, pervers, cruel, qu’il faut bannir à jamais du banc de l’humanité, et réduire à néant. Pour efficace qu’elle soit, la réponse est un peu courte. Car elle ne nous dit rien sur les causes qui font que certains hommes deviennent des monstres ou des grands génocidaires ? Il fut un temps où les historiens du nazisme en Allemagne s’appuyaient exclusivement sur l’histoire sociale pour comprendre la montée en puissance de l’hitlérisme. Il n’était d’autre mobile à la victoire d’Hitler que la crise économique et la paupérisation des classes moyennes. Nous savons aujourd’hui que l’histoire sociale n’explique pas tout. Les grands génocidaires ne furent pas tous des hommes infâmes ou des hommes déclassés. Nombre d’entre eux étaient des diplômés et portaient l’habit de bourgeois honnêtes. Ils furent aussi des intellectuels au parcours académique classique et possédant une culture assez vaste. Cette vérité du nazisme se retrouve dans d’autres idéologies, dans d’autres époques, d’autres pays que l’Allemagne. La culture, comme la révolution, peuvent conduire à pratiquer l’abattage des hommes par d’autres hommes, à transformer des civils en bête traquée. Les bourreaux ordinaires n’ont pas forcément le visage d’une bête sauvage. Et si on peut comprendre que les meurtriers de masse font encore partie de l’humanité, il est néanmoins difficile d’admettre qu’ils nous ressemblent ?

Publicité

Dans un livre magnifique inspiré de son expérience d'ancien prisonniers des khmers rouges, l'écrivain F Bizot explore cette zone grise qui nous effraie. Il interroge le "silence du bourreau", sa part d'humanité.

L'équipe