Les ânes chez La Fontaine, la revanche des humbles : épisode • 2/4 du podcast Bêtes de philo

Dessin d'Anaïs Ysebaert, "La revanche des humbles", 2021
Dessin d'Anaïs Ysebaert, "La revanche des humbles", 2021 - Copyright Anaïs Ysebaert
Dessin d'Anaïs Ysebaert, "La revanche des humbles", 2021 - Copyright Anaïs Ysebaert
Dessin d'Anaïs Ysebaert, "La revanche des humbles", 2021 - Copyright Anaïs Ysebaert
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Pourquoi l’âne est-il un animal si hybride dans les Fables de La Fontaine, tantôt injustement persécuté et sage, tantôt idiot et imbu de lui-même ?

Avec
  • Patrick Dandrey Professeur émérite de littérature française du XVIIe siècle à Sorbonne Université

L'invité du jour :

Patrick Dandrey, professeur émérite à la Sorbonne

L'âne ou la grandeur de l'humble

L'âne est l'incarnation de la double dimension que l'on va trouver dans les animaux de fable : il peut être tout à fait en haut ou tout à fait en bas. C'est la magnitudo parvi de l'Évangile, c'est à dire la grandeur de l'humble. L'âne est un animal évangélique positif et en même temps, chez les Égyptiens, c'était un animal assimilé au dieu Seth négatif. Donc, il est ou bien tout à fait parfait ou tout à fait minable. Et puis, d'un autre côté, il est ou tout à fait au bas de la société, ou bien parce qu'il est en bas depuis l'Évangile, les Béatitudes, il est tout à fait en haut... Il occupe sur l'horizontal et sur la verticale des situations qui couvrent l'ensemble de l'univers des fables.      
Patrick Dandrey

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La fable nous instruit...

La fable nous instruit en nous invitant à pratiquer ce qu'elle fait, à ne pas être ce que nous voyons des animaux ou des humains qui commettent les fautes en question. Elle nous invite à revenir sur nous-mêmes pour savoir ce que le discours est capable de faire. Esope avait dit que la langue peut être la meilleure ou la pire des choses, et on s'aperçoit qu'ici, la langue peut être la pire des choses, sauf au moment où, tout à coup, la vérité crève l'écran, et parfois l'âne crève l'écran de cette façon là...                
Patrick Dandrey

Et nous fait rêver, pour mieux nous éveiller

La morale consiste, après nous avoir emmenés dans le monde du songe, dans le monde de la fiction, à nous ramener vers la vérité. La fable est un va et vient qui décrit le mécanisme de la littérature. Je suis emmené sur les ailes du rêve pour revenir à ma réalité, enrichie par mon rêve. C'est la dialectique du sommeil et de la veille. C'est pourquoi j'ai coutume d'appeler la fable un songe vigilant. Elle nous fait rêver, mais pour mieux nous éveiller.          
Patrick Dandrey

Sons diffusés :

  • Extrait du film Peau d'âne, de Jacques Demy, 1970
  • William Shakespeare, Le Songe d’une nuit d'été, 1600, adaptation de Georges Neveux, Société des Comédiens Français, France Culture, 29 décembre 1974
  • Jean de La Fontaine, “Les animaux malades de la peste”, 1678, tome 2, livre VII, Fable 1,  Fables, éditions Le Livre de poche, lecture de Roger Karl, dans Faites vous-même votre anthologie, RDF, 29 novembre 1955
  • Jean de La Fontaine, “Le lion, le singe et les deux ânes”, 1678,  tome 2, livre XI, Fable 5,  Fables, éditions Le Livre de poche, lecture de Michel Galabru
  • Extrait du film Au hasard Balthazar, de Robert Bresson, 1966
  • Chanson de fin : Alain Souchon et Laurent Voulzy, Chanson du coq et l’âne, dans Emilie Jolie

Dessin de Anaïs Ysebaert : Insta @anais.ysebaert

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