"RoboCop", sorti en 1988 dans les salles françaises, est le 8ème film de Paul Verhoeven et son premier film américain. Duplicité, premier degré, deuxième degré, troisième degré, ironie, critique politique... : ce film contient-il tout le cinéma de Verhoeven ?
- Axel Cadieux Journaliste, critique de cinéma, rédacteur en chef adjoint de la revue So Film
Ironie, nom féminin : figure rhétorique par laquelle on dit le contraire de ce que l'on veut faire entendre. Du grec "eironeia" : action d'interroger en feignant l'ignorance.
Paul Verhoeven, cinéaste masculin néerlandais toujours actif, à travers ses 18 films, des Pays-Bas à la France, en passant par les Etats-Unis, a fait sienne cette rhétorique, ne cesse de montrer le contraire de ce qu'il veut révéler.
Duplicité, second degré, détournement et retournement, telle est la recette risquée et pas toujours payante du cinéma ironique de Paul Verhoeven... mais qui a le don de nous questionner en feignant le divertissement. De nous plonger dans des abîmes de réflexions en nous heurtant à la surface de nos écrans.
Et s'il fallait mentir pour dire vrai ? Et s'il fallait être victime pour ne pas en être une ? Et s'il fallait en faire trop pour tomber juste ? Mais avant tout : et s'il fallait être une machine pour devenir humain ?
L'invité du jour :
Axel Cadieux, rédacteur en chef adjoint de la revue SoFilm
Un cinéma dérangeant
"RoboCop" est fondamental pour Paul Verhoeven dans son oeuvre parce que c'est son premier film américain. Avant ça, il a réalisé tout le début de sa carrière en Hollande, mais le gouvernement ne lui facilite plus les choses. C'est un cinéaste qui, depuis le début, est dérangeant. Aux Etats-Unis, on lui propose ce scénario que plusieurs grands cinéastes ont d'ores et déjà refusé, il s'en empare évidemment... à sa façon, avec duplicité et trouble. Son cinéma peut s'envisager au premier degré, au second degré ou au troisième degré. Comme ce sera le cas avec "Starship Troopers" et tant d'autres films à venir.
Axel Cadieux
Un film aux multiples lectures
On peut regarder un film de Paul Verhoeven et prendre un plaisir immense tout en réalisant au fur et à mesure que son cinéma raconte aussi autre chose. "RoboCop" parle d'un flic qui va faire le bien et la loi à Détroit (et Détroit n'est pas le fruit du hasard, ville symbole de l'industrialisation et de son déclin aux États-Unis), mais si on regarde le film attentivement, on se rend compte aussi qu'il parle d'un humain qui va reprendre le contrôle sur la machine. Mais il y a encore une troisième couche à "RoboCop", qui arrive vers la fin du film : même si on croit en apparence que l'humain a repris le contrôle sur la machine, en fin de compte non, il sera toujours inféodé aux diktats de la corporation.
Axel Cadieux
Les Etats-Unis dans les années 80, une société des forces de l'ordre
Que ce soit dans la société néerlandaise, américaine, ou française, Verhoeven s'imprègne toujours des environnements dans lesquels il réalise, tourne, écrit. Il les approche avec un regard très froid, très clinique qui verse immédiatement dans la satire. Pour "RoboCop", au milieu des années 80, que voit-il aux Etats-Unis ? Une société en pleine prolifération des armes à feu et surtout des forces de l'ordre et peut-être d'une espèce de conjonction et de flou entre forces de l'ordre et intérêts privés.
Axel Cadieux
Textes lus par Bernard Gabay :
- Jean Baudrillard, Amérique, éditions Grasset, 1986, pages 133-135
Sons diffusés :
- Extraits du film RoboCop, de Paul Verhoeven, 1987
- Archive de Paul Verhoeven, 25 mai 2016, dans La Grande Table, France Culture
- Archive de Paul Verhoeven, 22 février 2017, RoboCop Q&A after a screening at the Film Society of Lincoln Center
- Chanson de fin : Kanye West, RoboCop
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