Les Mots de Jean-Paul Sartre : épisode 1/4 du podcast Les philosophes par eux-mêmes

Jean Paul SARTRE à Milan, avril 1961.
Jean Paul SARTRE à Milan, avril 1961. ©AFP - LEEMAGE
Jean Paul SARTRE à Milan, avril 1961. ©AFP - LEEMAGE
Jean Paul SARTRE à Milan, avril 1961. ©AFP - LEEMAGE
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Sartre par lui-même, c’est, comme il le disait en 1976, « une contestation de la littérature par la littérature elle-même ».

Avec
  • Philippe Cabestan Professeur en Classes Préparatoires au Lycée Janson de Sailly à Paris et président de l'Ecole Française d'analyse existentielle ou Daseinsanalyse

Que signifie, Sartre par lui-même ? Ce sont surtout des paradoxes: c’est par le retour sur une existence truquée, mensongère, par le récit de l’imposture de son enfance, que Sartre autobiographe trouve sa vérité. C’est par un chef-d’oeuvre littéraire que l’écrivain fait ses adieux à la littérature.

Le texte du jour

« La mort de Jean-Baptiste fut la grande affaire de ma vie: elle rendit ma mère à ses chaînes et me donna la liberté.

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Il n'y a pas de bon père, c'est la règle; qu'on n’en tienne pas grief aux hommes mais au lien de paternité qui est pourri. Faire des enfants, rien de mieux; en avoir, quelle iniquité! Eût-il vécu, mon père se fût couché sur moi de tout son long et m'eût écrasé. Par chance, il est mort en bas âge; au milieu des Énées qui portent sur le dos leurs Anchises, je passe d'une rive à l'autre, seul et détestant ces géniteurs invisibles à cheval sur leurs fils pour toute la vie; j'ai laissé derrière moi un jeune mort qui n'eut pas le temps d'être mon père et qui pourrait être, aujourd'hui, mon fils. Fut-ce un mal ou un bien? Je ne sais; mais je souscris volontiers au verdict d'un éminent psychanalyste: je n'ai pas de Sur-moi.

Ce n'est pas tout de mourir: il faut mourir à temps. Plus tard, je me fusse senti coupable; un orphelin conscient se donne tort: offusqués par sa vue, ses parents se sont retirés dans leurs appartements du ciel. Moi, j'étais ravi: ma triste condition imposait le respect, fondait mon importance; je comptais mon deuil au nombre de mes vertus. »

Lectures

- Jean-Paul Sartre, Les Mots (Gallimard, Folio, 1972) p 18-19

- Jean-Paul Sartre, Les Mots (Gallimard, Folio, 1972) p 117

- Jean-Paul Sartre, Les Mots (Gallimard, Folio, 1972) p 76-77

Extrait

- Archive « Radioscopie » France Inter 07/05/1973

Références musicales

- Chopin, Sonate n°2

- Felix Mendelsohn, Les Hébrides

- Bing Crosby, Some of these days

Philippe Cabestan
Philippe Cabestan
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