En 1914, Apollinaire a 34 ans lorsqu’il rencontre Louise de Coligny-Châtillon. Il lui adresse une première lettre d’amour et s’ensuit alors un trésor d’écriture enflammée et érotique en pleine période troublée de la Première Guerre mondiale. Analyse de Laurence Campa, biographe d'Apollinaire.
- Laurence Campa Professeure à l'Université Paris Nanterre en littérature française du XXe siècle et écrivaine
Guillaume Apollinaire, né Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky, sujet polonais, 1880-1918, est un poète français emblématique précurseur du mouvement surréaliste.
En septembre 1914, il rencontre Louise de Coligny-Châtillon à Nice dont il tombe amoureux.
Il lui écrit ses sentiments dans sa première lettre à Lou le 28 septembre septembre 1914.
S’ensuit alors une correspondance amoureuse et érotique à la langue transie qui oscille entre fantasme et réalité.
Le 4 avril 1915, Apollinaire part au front, délibérément, déçu par le manque d’attention de Lou à son endroit. Dans ses lettres, l’amour pour Lou et la peur de la guerre à venir se mêlent dans ses mots, créant un « fantasme centrifuge » décrit par Laurence Campa.
Finalement, Apollinaire cessera d’écrire à Lou en janvier 1916.
L'invitée du jour :
Laurence Campa est professeure à l’Université Paris Nanterre en littérature française du XXe siècle, autrice d’une biographie sur Guillaume Apollinaire aux éditions Gallimard ainsi que d'une édition commentée des Poèmes à Lou d’Apollinaire aux éditions folio foliothèque et Apollinaire, la poésie perpétuelle aux éditions Gallimard Découvertes.
Laurence Campa a également publié en 2017 son premier roman, Colombe sous la lune, aux éditions Stock, où l'amour, la cristallisation, les illusions perdues et les sortilèges de l’imagination traversent le roman se déroulant durant la Première Guerre mondiale et dont le climat et la sensibilité sont proches d'Apollinaire.
Le tremblement du sens d'Apollinaire
Apollinaire a toujours eu ce rapport ambivalent à la poésie, voire équivoque dans certains cas. Parfois on ignore à quel degrés on doit prendre les choses mais c’est justement ce tremblement du sens qui lui plaît.
Lou est un être de chair mais aussi un être de mots. Leur relation commence avec une déclaration en bonne et due forme dans une lettre.
Laurence Campa
Le fantasme centrifuge chez Apollinaire
Chez Apollinaire, il y a un fantasme centrifuge, on a l’impression que son être va en disparaissant, en mourant, féconder la terre entière. Il y a la crainte de la mort, de la perte, mais aussi un fantasme d’éternité, de pouvoir renaître à travers ce fatal giclement du sang.
L’ambiguïté est là : au fond on peut lire le mythe d’Icare ou de Phaéthon, celui qui s’approche trop près du soleil, et lui-même qui était étranger n’était pas obligé s’engager. Il a choisi de le faire pour diverses raisons ne serait-ce que parce qu’il voulait servir le pays qui l’avait accueilli quand il avait sept ans et dont il avait choisi la langue, il se sentait poète français.
Laurence Campa
Apollinaire et son rapport à l'héritage de son oeuvre
On a souvent l’habitude de penser à l’Apollinaire élégiaque, nostalgique ou alors on le tire de l’autre côté en pensant à lui comme le prophète, le moderne, mais en fait il se tenait vraiment sur une ligne de crête, celle du présent comme Janus bifrons, le dieu romain qui a deux faces. Ce qu’il espère à travers ses lettres c’est que Lou se souviendra de lui, mais aussi par sa poésie, qu’on se souviendra de lui parce qu’il a écrit. C’est un tour de force du langage. C’est la mise en forme poétique qui crée une métamorphose à la fois de son identité de poète et de Lou qui devient le réceptacle en même temps qu’elle est la réceptrice du poème.
Laurence Campa
Texte lu par Georges Claisse :
- Avant le front, fantasme de la guerre et de Lou, dans les Poèmes à Lou d'Apollinaire, Poème XII, Si je mourais là-bas..., 30 janvier 1915 à Nîmes, page 108, Poésie/Gallimard 2017
sur une musique de Poulenc, Improvisation n°15
Sons diffusés durant l'émission :
- Epigramme d'Apollinaire sur une musique de Poulenc, Fanfare
- Le départ au front : confrontation à la réalité et déception amoureuse, dans les Poèmes à Lou d'Apollinaire, Poème XXXII, 6 avril 1915 à Mourmelon-le-Grand, page 145, Poésie/Gallimard 2017
sur une musique de Poulenc, Suite française - Le personnage poétique de Lou : le désir érotique, dans les Poèmes à Lou d'Apollinaire, Poème XXXIII, 8 avril au soir 1915, page 150, Poésie/Gallimard 2017
sur une musique de Poulenc, Novelette n°3 - Extrait des Onze mille verges d'Apollinaire, enregistré le 22 juin 2009 dans les Nouveaux Chemins de la connaissance, France Culture
- Archive de Blaise Cendrars sur l'enterrement d'Apollinaire, enregistré le 25 avril 1956, RTF
sur une musique de la Fanfare Principale De L'Armée Blindée Cavalerie, La Pelletier - Lecture d'une lettre à Madeleine datée du 11 août 1915
sur une musique de Poulenc, Fête donnée par des chevaliers normands
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