Comment Michel de Montaigne aurait-il vécu et pensé la crise du covid ? Lui pour qui la santé est un bien, peut-être suprême, mais non une valeur devant régir nos sociétés, nos décisions politiques. Lui qui ne cessa de répéter que le but de la vie n’est pas de ne pas souffrir, mais de jouir!
- André Comte-Sponville philosophe français
L'invité du jour :
André Comte-Sponville, philosophe
Le "panmédicalisme" ou la gestion de nos vies par la santé
Pour Montaigne, la santé est peut-être le bien suprême, mais je fais une différence entre un bien et une valeur. Il faut distinguer la santé qui est le bien le plus enviable de tous, mais qui n’est pas une valeur morale… Le discours ambiant, que j’appelle le "panmédicalisme" et qui tend à faire de la santé la valeur suprême, pas seulement un bien désirable, est un contre-sens sur la vie. Et si la santé devient la valeur suprême, alors la médecine devient la chose la plus importante : le "panmédicalisme" délégue aux médecins non seulement la gestion de nos maladies mais la gestion de nos vies, de nos sociétés, ce qui est inquiétant.
André Comte-SponvillePublicité
Le plaisir, souverain bien
Montaigne n’a cessé de le répéter dans les "Essais" : le vrai but de la vie n’est pas de ne pas souffrir mais de jouir et de se réjouir ! Au fond ce que Montaigne reproche à Epicure, pour le dire en termes nietzschéens, c’est qu’Epicure est nihiliste. Si on comprend l’ataraxie comme la pure absence de douleur et de trouble -je pense que c’est un contre-sens mais c’est ainsi que Montaigne et Nietzsche le comprennent- alors en effet Epicure serait un penseur nihiliste. Montaigne prend alors ses distances par rapport à Epicure. Pour Montaigne, le plaisir est le souverain bien, encore plus important que la santé. Si Montaigne aime tellement la santé c’est parce que la santé est la condition du plaisir…
André Comte-Sponville
Montaigne et la mort
Dans les "Essais", Montaigne écrit ceci : "Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant". La mort fait partie de la vie et c’est parce que les gens ont oublié, parfois, ou font semblant d’oublier qu’ils sont mortels, qu’ils ont tellement peur quand la mort se rappelle à leur esprit de façon spectaculaire comme c’est le cas avec cette pandémie. Si nous pensions davantage à la mort, nous vivrions mieux, de façon plus intense… Chaque instant de notre vie deviendrait d’autant plus précieux qu’il se détacherait, comme le dit André Gide, sur le fond très obscur de la mort…
André Comte-Sponville
Textes lus par Vincent Schmitt :
- Extrait des Essais, de Montaigne, Livre III, Chapitre 12, 1588, éditions Quarto Gallimard, 2009, adaptation en français moderne par André Lanly
- Extrait des Essais, de Montaigne, Livre I, Chapitre 20, 1580, éd. Quarto Gallimard, 2009, adaptation en français moderne par André Lanly
Sons diffusés :
- Mixage de début d'émission par Nicolas Berger avec : un extrait du sketch Parler pour ne rien dire, de Raymond Devos / Extraits de la série Medical Police (2020) série de David Wain et Bill Benz / Extrait du film L'enlèvement de Michel Houellebecq (2014) film de Guillaume Nicloux / Extrait du film Knock (1951) film de Guy Lefranc, adaptation de la pièce de Jules Romain / Doctor Beat, chanson de Miami Sound Machine
- Extrait des Essais, de Montaigne, Livre II, Chapitre 12 : Apologie de Raymond Sebon, 1580, éditions Quarto Gallimard, 2009, adaptation en français moderne par André Lanly. Lecture de Jean-Louis Jacopin
- Montage d'archives du Dr. Jérôme Marty ; Dr. Jean-Jacques Charbonier sur Thana TV le 17 avril 2020 ; Dr. Jean-Paul Hamon sur Sud Radio le 24 mars 2020
- Musique de Amon Tobin, Deo
- Musique de Aphex Twin, Diskhat all prepared
- Chanson de fin : Hospital, de Jonathan Richman and the Modern Lovers
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