Pardonner, est-ce oublier ? : épisode 7/4 du podcast L'oubli

Pardonner, est-ce oublier ?
Pardonner, est-ce oublier ? ©Getty - Petegar
Pardonner, est-ce oublier ? ©Getty - Petegar
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Le mot pardon dérive du latin "per-donare", donner jusqu’au bout, donner totalement. Le pardon se pense au pluriel, il se demande, il se reçoit, mais il reste un acte incertain... Quelles définitions peut-on donner du pardon ? Et quel rapport entretient-il avec l'oubli ?

Avec
  • Olivier Abel philosophe, professeur de philosophie éthique à l’Institut Protestant de Théologie, Faculté de Montpellier, créateur du Fonds Ricoeur

Le pardon est une réinterprétation du passé que je fais avec l’autre, contre l’oubli. Je dirais presque qu’il s’agit d’un travail d’hospitalité à la mémoire de l’autre : en demandant pardon je demande hospitalité dans la mémoire de l’autre et j’accorde hospitalité à la mémoire de l’autre.Olivier AbelLe pardon porte en son sens de multiples significations…
Parfois, dans la rue, dans les transports en commun,  « Pardon ! »  est une manière de dire « poussez-vous ! », il y a aussi le pardon religieux, exceptionnel, ou le pardon quotidien...
Mais au fond, que demande-t-on quand on demande pardon ?

L'invité du jour :

Olivier Abel, philosophe, professeur de philosophie éthique à l’Institut Protestant de Théologie, Faculté de Montpellier, créateur du Fonds Ricoeur

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Pour lire des articles d'Olivier Abel sur l'oubli et la mémoire, rendez-vous sur son site internet.

Le pardon est une parole

Le pardon quotidien est une manière de ne pas s’accrocher, de laisser passer… Mais le pardon est tout d’abord une parole et il ne s’agit pas de laisser faire l’effacement, laisser faire l’usure du temps, d'ailleurs Jankélévitch protestait beaucoup dans son ouvrage sur le pardon usure, le pardon effacement, en effet comme le pardon est une parole, il rompt avec le silence. Il demande une levée de la mémoire, une levée de la parole qui va dire, qui va protester, se plaindre, revenir sur ce qui s’est passé pour formuler le regret. Il ne faut pas oublier que le pardon est un mot équivoque parce qu’il s’agit du pardon qu’on demande et le pardon que l’on donne… Olivier Abel

Le travail du pardon, l’hospitalité

Le pardon est une réinterprétation du passé que je fais avec l’autre, contre l’oubli. Je dirais presque qu’il s’agit d’un travail d’hospitalité à la mémoire de l’autre : en demandant pardon je demande hospitalité dans la mémoire de l’autre et j’accorde hospitalité à la mémoire de l’autre. Olivier Abel

Eloge de l’oubli

Il y a un oubli d’usure, tout s’efface, Kundera disait que rien ne sera pardonné mais tout sera oublié… Une phrase terrible. Il y a aussi un oubli du refoulement, et là je m’appuie sur les distinctions que propose Ricoeur dans "La mémoire, l’histoire, l’oubli", on refoule quelque chose de douloureux, c'est un oubli psychanalytique... Et un oubli vital, plus Nietzschéen, profond, ancien. J’ai un regard bienveillant sur l’oubli et quand je lisais Heidegger ou Husserl, je ne comprenais pas leur reproche face à l’oubli, je pense qu’au contraire, l’être est dans l’oubli, il faut qu’il soit oublié, derrière nous. Il y a un oubli fondamental, heureux, sur lequel on s’appuie, il fait partie de notre corps, rempli de choses oubliées mais qui sont là comme le langage qui est acquis, sur lequel je m’appuie, un oubli réserve. Olivier Abel

Textes lus par Hélène Lausseur :

  • Extrait de La mémoire, l'histoire, l'oubli de Paul Ricoeur, éditions Seuil
  • Extrait de L'imprescriptible de Vladimir Jankélévitch, dans La Revue administrative n°103, 1965
  • Extrait de Condition de l'homme moderne d'Hannah Arendt, éditions Calmann-Lévy

Sons diffusés :

  • Chanson de début d'émission : Brenda Lee, I'm sorry, 1950
  • Archive de Pierrette Poncela, professeure de droit pénal à Nanterre, La Série Documentaire, France Culture, 2017
  • Archive de Vladimir Jankélévitch, INA, 1978
  • Extrait du documentaire L'impossible pardon, 2014
  • Extrait de la bande originale du film Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry, 2004
  • Chanson de fin : Sixto Rodriguez, Forget it

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