Pendant le confinement, nous avons tous découvert qu’il n’y avait rien de plus difficile que de rester en repos dans une chambre. Pourquoi la condition humaine ne nous permet-elle pas de vivre sans divertissement ? Passons-nous tout notre temps à essayer de nous fuir, dans une forme d'illusion ?
- Pierre Guenancia Professeur émérite d’histoire de la philosophie moderne à l’université de Bourgogne
Dessin de l'illustratrice Charlotte Mo : Insta @charlottemagicmo et Portfolio
L'invité du jour :
Pierre Guenancia, philosophe, professeur émérite d’histoire de la philosophie moderne à l’Université de Bourgogne
La nouveauté de la problématique pascalienne est d’avoir fait d’une pluralité d’activités, les fractions d’une seule et même disposition qu’il appelle “le divertissement”. Avant lui, on parlait d’ennui, de fuite de soi…
Le divertissement : fuir le rapport à soi ?
Selon Pierre Guenancia "le divertissement signifie, pour Pascal, d’abord la diversion, et ensuite, la stratégie la plus rusée qui soit pour faire que cette diversion n’apparaisse pas comme une diversion, le divertissement comme un divertissement, mais comme quelque chose de sérieux, de volontaire, et surtout quelque chose qui a sa fin en soi-même. Comme disait Montaigne, je joue pour jouer, je me promène pour me promener. Dans ses fragments pour un divertissement, Pascal explique qu’on se dupe soi-même en se faisant croire qu’on fait quelque chose par goût pour cette chose et seulement pour cela… alors que tout le but de Pascal dans ce texte c’est de faire une interprétation de toutes les activités des hommes, aussi bien ludiques que sérieuses… Simplement, tout cela est fait pour éviter quelque chose, quoi ? Le rapport à soi… Et le repos est une métaphore du rapport à soi, de la capacité de l’être humain à se regarder lui-même sans diversion, sans obstacle, dans la plus grande transparence. Cette vue serait insupportable, c’est la raison pour laquelle tout ce qui nous en détourne vaut la peine d’être pratiqué".
Notre condition humaine est-elle fautive ?
Pour Pascal, on ne peut pas arriver à faire son deuil de la misère humaine, convertir cette condition de misère en une condition normale. On ne peut pas naturaliser notre condition. Pourquoi ce malheur nous est-il insupportable, pas tant dans l’existence que dans sa représentation ? Pierre Guenancia ajoute "D’autres philosophes appelleront peut-être cela l’angoisse devant le monde, le néant, l’impossibilité de la représentation. Peut-être que ce texte a pour raison l’impossible idée de la représentation de soi par soi. C’est cette insupportable idée du néant vers lequel nous allons qui justifie les stratégies d’évitement, de diversion…"
Textes lus par Denis Podalydès :
- Extrait des Pensées, de Blaise Pascal, 1669, n°168 (Sellier), éditions Bordas p.121
- Extrait des Pensées, de Blaise Pascal, 1669, n°168 (Sellier), éditions Bordas p.127
- Extrait des Manuscrits, de Karl Marx, 1844, Les Éditions Sociales, p.52
Sons diffusés :
- Chanson de Pink Martini, Je ne veux pas travailler
- Archive INA, Le roi s’ennuie, de Jean-Marc Thibaud et Roger Pierre, album Vive le rire
- Chanson de Léo Ferré, La chambre
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