Portrait d’un homme joyeux : épisode • 4/4 du podcast Blaise Pascal, vers l’infini et au-delà

Portrait de Blaise Pascal par Philippe de Champaigne (1602-1674)
Portrait de Blaise Pascal par Philippe de Champaigne (1602-1674) ©Getty - DeAgostini
Portrait de Blaise Pascal par Philippe de Champaigne (1602-1674) ©Getty - DeAgostini
Portrait de Blaise Pascal par Philippe de Champaigne (1602-1674) ©Getty - DeAgostini
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Si c’est l’image d’un Blaise Pascal morne et sinistre qui est généralement véhiculée, la joie traverse pourtant ses écrits, entre les doutes et le désespoir. Que signifie-t-elle sur sa vision de l’homme ? C'est le sujet du dernier épisode d'une série consacrée à Pascal.

Avec
  • Laurent Thirouin Professeur de littérature française du XVIIe siècle à l’Université Lumière Lyon 2

On dit de Pascal qu’il était un auteur d’idées mais pour clore cette série des "Chemins de la connaissance" sur l'auteur des Pensées, il s'agit de revenir avec Laurent Thirouin, professeur de littérature, aux mots, à l'écriture de Pascal en proposant une approche plus littéraire. Le rire et la joie traversent ses écrits et posent la question de l’homme comme paradoxe permanent, entre grandeur et misère. Et cette apparition de la joie, pourrait-elle être associée à la rencontre de Dieu ?

Lire Pascal est jubilatoire

Si la condition de l'homme nous dit Pascal est l'inconstance, l'ignorance et l'inquiétude, la lecture de ses écrits nous met malgré cela en joie, en tout cas c'est ce qu'affirme Laurent Thirouin et il s'en explique : "Pascal donne le sentiment qu'il nous rend intelligent, donc ça fait plutôt plaisir !"

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"Pour moi, Blaise Pascal était d’abord un joueur qui avait pensé avec les catégories du jeu. Quand je le lis, je suis euphorique ! Je trouve Pascal jubilatoire. Son intelligence est telle qu’elle fait rire. Dans "Les Provinciales", quand quelqu’un arrive à mettre de l’ordre et de la logique face à toutes les tricheries, on a un moment de jubilation. N’étant pas scientifique, même des textes comme des considérations géométriques me donnent le sentiment de comprendre et je m’en sens réjoui." (Laurent Thirouin)

À réécouter : Lire Pascal aujourd'hui
Répliques
51 min

Avant les idées, il faut revenir aux papiers, aux liasses

Il faut rechercher dans l’architecture des Pensées cette fausse impression d’un Pascal majoritairement sombre. En effet, projetant ses pensées sur des liasses de grands papiers qu’il découpait et rassemblait par famille, cette façon de classer ses écrits est une clé. Pour lui, c’était d’ailleurs là sa seule originalité.

"Pascal philosophe autrement. Ce qui me frappe quand je discute avec les philosophes c’est qu’ils font toujours de Pascal un auteur d’idées… Mais pour moi c’est d’abord un problème de liasses, de papiers, d’ordre : c’est quelqu’un, d’après les témoignages recueillis, qui n’écrivait pas tout de suite et laissait mûrir ses pensées dans sa tête… Pascal est le penseur inverse de celui qui construit un plan puis l’habite. Il jette d’abord des formules qui lui plaisent, pour nous ça reste énigmatique…" (Laurent Thirouin)

L'ordre des "Pensées" de Pascal

Pascal a donné, avec grand talent, une forme littéraire au sentiment dépressif. Mais assurément Pascal veut secouer l'homme qui se détourne de l'essentiel et est trop futile, il veut le déranger.

Il est très intéressant de se pencher, selon Laurent Thirouin, sur la composition des écrits des Pensées qui sont fragmentaires. "Ce qui est acquis c’est que Pascal a écrit sur des grands papiers puis, à un moment, il a découpé ces feuilles parce qu’il jetait ses pensées en désordre. Il les a ensuite rassemblées non pas pour faire un plan mais par famille de pensée." Or, quand on regarde ce classement, on voit qu'il est extraordinairement bizarre puisqu'il place certains écrits sur le divertissement dans les liasses intitulées Misère, Raison des effets, Philosophe…"Pourquoi ?", s'interroge le professeur de littérature, "quelle est la clé ?". "Ce sont des questions littéraires qui ne se désintéressent pas du sens des Pensées mais qui partent du postulat que les idées ne planent pas, il y a d’abord des mots qui suscitent du sens", éclaire Laurent Thirouin.

Lecture de Nicole Garcia :
Extrait d'une Lettre à Charlotte de Roannez sur la joie, Pascal, 1656, Pensées, opuscules et lettres, éditions Philippe Sellier, collection Classiques jaunes, 2011. Suivi d'une Sonate pour piano en fa majeur de Domenico Scarlatti

Sons diffusés :

  • Musique de Bobby Mc Ferrin, Don't worry be happy
  • Extrait du Mémorial de Pascal lu par Georges Claisse
  • Archive de Louis Lafuma sur le classement des pensées, 1956, INA
  • Domenico Scarlatti, Sonate en la majeur

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