Lorsqu'il donne la parole au silence, le cinéma ne se tait pas : il est d'une grande force expressive. C'est ce que vous invite à découvrir José Moure aujourd'hui.
- José Moure Enseignant à Paris I
Le cinéma est né muet, mais pas silencieux. Ce n'est qu'en accédant au sonore, à la parole, que le cinéma a su faire le silence.
Le texte du jour
« Le bruit des vagues de la mer, sur une scène d’orage familial, le bruit d’un orchestre sur l’image d’un homme claustré et qui rêve de pouvoir briser les carreaux, une automobile qui arrive et qu’on ne voit pas, le bruit d’un verre qui se brise sur l’image d’un homme qui a cassé son bonheur et s’en souvient ; le sanglot de la femme abandonnée sur l’image du couple heureux qui s’en va ; bien d’autres choses encore, qu’il ne m’appartient pas de voir, assis à ma table, et dès maintenant ; et ceci as trop souvent et seulement lorsque le bruit ou la parole s’avèrent nécessaires à l’économie de l’effet à produire, bruit ou paroles grossis, ou déformés, faux au possible – voilà le seul emploi des moyens parlants ou sonores, susceptibles de maintenir tout l’acquis du film muet, tout en changeant sa forme, enrichissant son pouvoir hypnotique. Une nouvelle forme du film serait là, non pas meilleure que l’ancienne, mais différente, capable de prodiguer de nouvelles ivresses et dont le caractère fondamental ne serait pas le son, mais le silence, plus encore que dans le film muet, le silence dont on aura obtenu, grâce au contraste de la parole ou du bruit, un rendement imprévu en profondeur, un silence qui n’aura pas uniquement de la surface mais bel et bien du volume, avec cette restriction que la parole et le bruit seront posés, évolueront, se développeront sur un autre plan, sur une autre dimension, que celui (ou celle) de l’image, le film peut devenir pour notre plus grande joie et sonore et parlant. Beaucoup plus sonore que parlant, bien entendu ; très peu sonore et parlant ; susceptible partant d’intéresser à nouveau les masses et l’élite, de rester international, de conserver le malentendu fécond qui faisait sa force. »
Benjamin Fondane, « Du muet au parlant. Grandeur et décadence du cinéma », 1930, cité dans Le cinéma : l’art d’une civilisation. 1920-1960, textes choisis par Daniel Banda et José Moure, Champs Flammarion, 2011, p.201-202
Extraits
- Le Chanteur de Jazz (film d’Alan Crosland, 1927)
- La Féline (film de Jacques Tourneur, 1942)
- Honor de Cavalleria (film d’Albert Serra, 2007)
- Fenêtre sur cour, film d'Alfred Hitchkock, (1954)
- Le Petit soldat (film de Jean-Luc Godard, 1963)
Références musicales
- BO Singing in the rain
L'équipe
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