

La « Critique de la raison pratique » de Kant publiée en 1788 décrit l’usage pratique de la raison pure et montre l'origine de la morale : la raison, qui nous permet d’accéder à la connaissance et s’articule autour du concept de respect, un sentiment qui nous révèle l'existence de la liberté...
- François Calori Maître de conférences de philosophie à l’université Rennes 1
Selon notre invité François Calori, nous avons l’habitude de présenter Emmanuel Kant comme un « penseur sec », un penseur de l’abstrait qui ne fonderait sa philosophie que sur un idéal de raison déconnecté de toute réalité empirique, ennemi des passions et de la sensibilité.
Pourtant, Kant s’inscrit pleinement dans son époque, le courant des Lumières du XVIIIème siècle qui voit se développer un fort sentimentalisme…
Emmanuel Kant se situe ainsi parmi les penseurs de la bienveillance comme Rousseau en France ou Hutcheson ou Adam Smith dans le monde anglo-saxon. La pitié ou la sympathie, par exemple, deviennent des voies d’accès à une morale sensitive…
Mais alors, comment penser un sentiment moral quand la moralité apparaît du côté de la raison, et le sentiment du côté de l’affect et des sens ?
L'invité du jour :
François Calori, maître de conférences à l'UFR de philosophie de l'Université Rennes 1.
Co-directeur de
De la sensibilité : les esthétiques de Kant aux éditions Presses universitaires de Rennes.
La notion de respect pour Kant
Pour bien comprendre ce qu’est le respect chez Kant, il faut voir que la détermination morale est toujours une détermination par pur respect pour la loi.
Ce respect désigne le fondement de la détermination de la volonté en tant qu’il est déterminé uniquement par la raison : nous devons agir par pur respect pour la loi et non pas en étant déterminé par des sentiments de plaisir ou de peine.
Mais le terme de respect chez Kant désigne aussi un sentiment. Le plus intéressant avec cette notion, c’est de voir qu’on représente toujours Kant comme le penseur de la raison pure pratique dans la détermination de sa philosophie morale mais pourtant, il ne laisse pas entièrement de côté cette question de l’affectivité, de la sensibilité, du sentiment.
François Calori
Le XVIIIème : le siècle de l’invention du sentiment
Au XVIIème siècle, l’âge classique, l’affectivité est pensée à partir de catégories des passions. On distingue deux facultés fondamentales de l’esprit humain : la connaissance d’un côté et la faculté de désirer de l’autre. Peu à peu, avec le XVIIIème siècle, on voit monter en puissance cette catégorie du sentiment qui devient peu à peu fondamentale dans le vocabulaire de l’affectivité et s’affirme comme l’un des capacités fondamentales de l’esprit humain. Cette évolution nous amène à la reconnaissance du sentiment comme troisième faculté fondamentale de l’esprit à égalité avec la connaissance et le désir.
François Calori
Kant, apologue de la sensibilité
La philosophie de Kant n’est pas obsessionnellement tournée contre la sensibilité et ne voit pas en elle la source du mal, ne veut pas éradiquer cette sensibilité de la condition humaine pour pouvoir faire triompher la raison dans la moralité.
Pour Kant, le mal et le bien ne consistent pas dans la sensibilité d’un côté et de l’autre dans la raison mais plutôt dans la subordination que nous établissons entre notre raison et notre sensibilité.
Kant ne pense pas le sentiment comme quelque chose de mauvais en soi, mais simplement, la sensibilité ne peut pas être le fondement de la moralité…
François Calori
Lectures de Georges Claisse :
- Extrait de la Critique de la raison pratique d'Emmanuel Kant sur la formulation du respect, 1788, page 186-187, Flammarion GF, 2003
suivi du Quatuor à cordes n°11 en fa mineur, Beethoven - Extrait de la Critique de la raison pratique d'Emmanuel Kant sur la genèse du sentiment moral, 1788, page 183-184, Flammarion GF, 2003
suivi du Quatuor à cordes n°9 en ut majeur, Beethoven
Sons diffusés :
- Chanson d'Aretha Franklin, Respect
- Extrait du film Les Affranchis de Martin Scorsese, 1990
- Extrait du film Les Derniers Jours d'Emmanuel Kant de Philippe Collin, 1993
- Chanson d'Eddie Constantine, Je suis un sentimental
L'équipe
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