

La postérité d’Edmund Husserl, né en 1859, est grande… Et pour cause, il est le père fondateur d’une méthode philosophique sans précédent : la phénoménologie. Son but ? Retourner aux choses elles-mêmes… Mais comment revenir au monde ? Et surtout, pourquoi et comment en sommes-nous partis ?
- Julien Farges chercheur CNRS aux Archives Husserl de Paris à l'école supérieure de Paris ; spécialiste de Husserl
Première diffusion de cette émission le 09/03/2020, et première diffusion de la chronique d'Aurélien Bellanger, en fin d'émission, le 17/09/2020 à réécouter ici :
Né en 1859 dans l’actuelle république Tchèque et mort en 1938 en Allemagne, Edmund Husserl est l’un des plus grands penseurs du XXème siècle, père de la phénoménologie. Son projet philosophique ? Refonder la métaphysique en repensant la façon dont l’Homme saisit l’essence des choses… Ses outils ? Les mathématiques et la logique.
L'invité du jour :
Julien Farges, chercheur CNRS aux Archives Husserl à l'École normale supérieure de Paris, spécialiste de Husserl
"Revenir au monde"
À la fin de sa vie, Husserl disait qu'il n'avait fait qu'une seule chose : s'enquérir du monde... On peut être parti du monde parce qu'en réalité on ne le voit plus : trop devant nous, nous sommes captivés par lui, et c'est une image qui fonctionne bien parce qu'être captivé par le monde, c'est ne tourner ses regards que vers lui, ne s'envisager soi-même que dans l'horizon du monde. Mais être captivé, c'est aussi être captif d'une certaine manière et être tellement absorbé par ce monde que, d'une certaine manière, nous ne faisons plus attention à lui. Revenir au monde, c'est nous libérer de ce caractère captivant du monde. Le regarder enfin pour lui-même plutôt que d'être sans arrêt en train d'évoluer en son sein sans le regarder. Une deuxième manière de revenir au monde pourrait être la suivante : si le monde est le cadre dans lequel toute notre expérience et toute notre vie se déroulent sans que nous y fassions particulièrement attention, il se trouve que les sciences prétendent nous parler du monde en construisant, en développant, en élaborant ce qu'elles appellent une nature physico-mathématique, que nous avons pris l'habitude de tenir pour le monde lui-même... Il y a peut être un effort philosophique à faire pour reprendre en vue le monde lui-même, sans le confondre avec cette nature, tout en comprenant bien que cette nature n'est évidemment pas sans rapport avec le monde auquel elle vient se superposer. Il y a plus dans l'idée de monde que ce que la science peut nous en dire.
Julien Farges
Une vision du monde opposée à l'héritage de Galilée et Descartes
Une des illusions dont Husserl prétend nous libérer, ou dont il pense que c'est la tâche de la philosophie que de nous en libérer, c'est l'illusion scientiste d'après laquelle le discours ultime sur le monde serait tenu par la science. Bien entendu, la science s'occupe du monde, élabore des connaissances sur le monde, mais elle le fait en présupposant qu'il y a un monde à expliquer, à explorer... En réalité, c'est cet "il y a" du monde qui forme le point de départ de la science que Husserl prend comme objet d'enquête.
Julien Farges
"Le retour aux choses mêmes" la maxime de la phénoménologie
Husserl reprend un terme qui le précède, mais en lui donnant un sens renouvelé. Il s'agit pour lui de décrire et non pas de construire, il s'agit de rendre compte de ce que nous vivons plutôt que d'échafauder ou d'élaborer des constructions théoriques, conceptuelles ou systématiques. Que s'agit-il de décrire ? Ici tombe une formule bien célèbre qui est devenue la devise de tout le mouvement phénoménologique : le fameux retour aux choses mêmes... Comprendre ce que c'est que la phénoménologie pour Husserl, c'est comprendre ce que signifie cette maxime.
Julien Farges
Textes lus par Vincent Schmitt :
- Lettre de Husserl à Dietrich Mahnke, 4 mai 1933, dans la revue Philosophie n°129 (mars 2016)
- Lettre de Husserl à Hugo von Hofmannsthal, le 12 janvier 1907, traduit de l'allemand par Eliane Escoubas
Sons diffusés :
- Montage de début d'émission par Thomas Beau avec les voix de Raymond Aron, Jacques Pradel lisant Le Mythe de Sisyphe de Camus, et extrait de texte lu par Vincent Schmitt (référence ci-dessus)
- Archive de Husserl du 10 mai 1933, RDF
- Archive de Levinas du 4 mai 1957, émission Des Idées et des hommes, France Culture
- Archive de Husserl du 1er janvier 1936, RDF
- Chanson de Philippe Katerine, Il est vraiment phénoménal
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