

Entre éthique de responsabilité et éthique de conviction, faut-il choisir ? Quelle est la place de l’intellectuel en politique et quelles sont les qualités nécessaires à tout homme politique ? A l’aube du nouveau quinquennat, Luc Ferry nous apporte ses réponses.
- Luc Ferry philosophe
Pour Kant, l’honnêteté est « la condition absolue de la politique ». Alors qu’une loi de moralisation de la vie publique est en préparation et que de nouvelles affaires guettent notre jeune gouvernement, la question de la place de la morale en politique se pose plus que jamais. La politique oblige-t-elle à renoncer à la sainteté morale ?
Le texte du jour
On peut dire qu'il y a trois qualités déterminantes qui font l'homme politique: la passion, le sentiment de la responsabilité, le coup d’œil. Passion au sens d'« objet à réaliser», c'est-à-dire dévouement passionné à une « cause », au dieu ou au démon qui en est le maître. […]
La passion seule, si sincère soit-elle, ne suffit pas. Lorsqu'elle est au service d'une cause sans que nous fassions de la responsabilité correspondante l'étoile polaire qui oriente d'une façon déterminante notre activité, elle ne fait pas d'un homme un chef politique.
Il faut enfin le coup d'œil qui est la qualité psychologique déterminante de l'homme politique. Cela veut dire qu'il doit posséder la faculté de laisser les faits agir sur lui dans le recueillement et le calme intérieur de l'âme et par conséquent savoir maintenir à distance les hommes et les choses. « L'absence de détachement » comme telle est un des péchés mortels de l'homme politique. Si jamais on inculquait à notre jeune génération d'intellectuels le mépris à l'égard du détachement indispensable, on la condamnerait à l'impuissance politique. Le problème suivant se pose alors : comment peut-on faire cohabiter dans le même individu la passion ardente et le froid coup d'œil? On fait la politique avec la tête et non avec les autres parties du corps ou de l'âme. Et pourtant, si le dévouement à une cause politique est autre chose qu'un simple jeu frivole d'intellectuel, mais une activité menée avec sincérité, il ne peut avoir d'autre source que la passion et il devra se nourrir de passion. Mais ce pouvoir de dompter son âme avec énergie, qui caractérise l'homme politique passionné et qui le distingue du simple dilettante de la politique gonflé uniquement d'excitation stérile, n'a de sens qu'à la condition d'acquérir l'habitude du détachement – dans tous les sens du mot. Ce que l'on appelle la « force » d'une personnalité politique signifie en tout premier qu'elle possède cette qualité.
Max Weber, Le savant et le politique (1919), trad. Julien Freund, p.60
Lectures
- Emmanuel Kant, Vers la paix perpétuelle, Appendice, « Sur l'opposition de la morale et de la politique, au sujet de la paix perpétuelle » (1795), trad. J-J Barrère.
- Machiavel Le prince (1513), chapitre 15. NCC, 11 mai 2015 (George Claisse)
Extrait
- Archive Raymond Aron : l'éthique de responsabilité : savoir se dépêtrer de la morale pour mieux gouverner
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