Sartre et la liberté

Le philosophe français Jean-Paul Sartre (1905-1980)
Le philosophe français Jean-Paul Sartre (1905-1980) ©Getty - James Andanson/Sygma
Le philosophe français Jean-Paul Sartre (1905-1980) ©Getty - James Andanson/Sygma
Le philosophe français Jean-Paul Sartre (1905-1980) ©Getty - James Andanson/Sygma
Publicité

La philosophie de Sartre est-elle la dernière pensée de la liberté considérée comme un absolu ? La dernière à faire de la liberté l’unique source de la valeur ? Avec toutes les conséquences pratiques que cela implique ?

Avec
  • Jean Bourgault docteur et professeur de chaire supérieure en philosophie, enseignant en khâgne au Lycée Condorcet, co-animateur de l'équipe ITEM-Sartre (CNRS-ENS), membre du comité de rédaction des Temps Modernes
  • Juliette Simont Docteure en philosophie, Maîtresse de recherche au Fonds National de la Recherche de Belgique, co-directrice de la revue Les Temps Modernes
  • Patrice Maniglier philosophe, maître de conférences en philosophie à l'Université Paris-Nanterre
  • Aliocha Wald Lasowski journaliste pour les pages idées de l'Express

Adèle van Reeth s'entretient avec Juliette Simont, Jean Bourgault, Patrice Maniglier et Aliocha Wald Lasowski, dans le cadre de la Nuit Sartre, en direct de l’Ecole normale supérieure.

Imaginez votre vie, si à chaque pas accompli, vous deviez vous persuader que ce qui compte pour vous n’est pas l’acte que vous venez d’accomplir, mais le degré de liberté avec lequel vous l’avez accompli. Quel enfer ce serait ! Et bien chez Sartre la liberté est une question préalable. "A tous les philosophes qui s’en font les défenseurs, il est permis de poser une question préalable : à propos de quelle situation privilégiée avez-vous fait l’expérience de votre liberté ?" demande-t-il dans son célèbre texte de Situations I consacré à la liberté cartésienne. On ne peut exprimer plus clairement l’idée que l’acte est ce qui nous éclaire sur nos intentions. 

Publicité

Bien sûr, tous les actes ne prêtent pas à conséquence et on ne choisit pas une pomme comme on choisit de voyager ou de s’engager. La liberté a ses degrés et les choix ont leur échelle. Ce n’est pas un hasard si Sartre a fait du choix originaire et du projet les deux pôles de sa philosophie de la liberté il fallait bien qu’une rencontre s’opère entre l’absolu de la conscience et les tourments de la contingence, l’obstacle des déterminations, et les situations prévisibles ou inattendues. La liberté sartrienne naît de l’écart ontologique qui empêche l’existant d’être adéquat avec une essence possible. Le fameux "Je suis condamné à être libre" est l’expression de cet écart. Et on pourrait s’amuser à multiplier les entrées, les citations, les va et vient entre les œuvres de jeunesse et celles de la maturité, mais ce serait une nouvelle occasion de vérifier encore que "ne pas choisir … c’est choisir de ne pas choisir".

Car pour Sartre, tout est dehors. Y compris ce qu’il nomme joliment notre ego. Tel est le prix à payer pour fonder ce qu’il appelle déjà en 1937 "une morale et une politique absolument positives". Tel est le prix à payer pour que puisse se rejoindre au milieu du siècle dernier son humanisme radical et son anthropologie existentielle : car il lui fallait de toute façon envisager la singularité, ou si l’on préfère, l’action individuelle, comme étant le véritable socle de sa dialectique historique, et ne jamais laisser tomber la liberté qui était sa trouvaille, sa croix, l’étoile de sa rédemption, en même temps que son athéisme le plus résolu. Sartre et la liberté. C’est bien plus qu’un programme de vie. C’est une tragédie vivante. Une manière d’échapper au monde de la pseudo Histoire. De varier les révoltes. Et finalement de se jouer de son propre destin. 

Les Nouveaux chemins de la connaissance de Philippe Petit en direct de l'ENS
Les Nouveaux chemins de la connaissance de Philippe Petit en direct de l'ENS
© Radio France - V. Noel