"Connais-toi toi-même" est l'un des préceptes gravés sur le fronton du temple de Delphes, et souvent rapporté dans les écrits de Platon, dans les mots de Socrate. Mais que veut-il dire ? Que la philosophie antique aurait pour but la connaissance de soi, aux dépens des autres, aux dépens du monde ?
- Fulcran Teisserenc Professeur de lettres et de première supérieures au lycée Lakanal à Sceaux, spécialiste de philosophie antique
Dans le temple de Delphes, la parole du dieu était transmise par un intermédiaire, la Pythie, que les humains pouvaient venir consulter.
La phrase est encore citée aujourd'hui comme emblématique de l'attitude philosophique par excellence.
Mais que veut-elle dire ?
Le problème, c'est qu'aujourd'hui, le "soi" a un sens très différent.
D'où d'innombrables contresens suscités par cette phrase à travers les siècles d'histoire de la philosophie...
L'invité du jour :
Fulcran Teisserenc, professeur de lettres et de première supérieures au lycée Lakanal à Sceaux, spécialiste de philosophie antique
Aux origines de cette maxime
On attribue classiquement cette formule aux sept sages de la Grèce, mais c’est assez incertain. En revanche, ce qui est moins incertain, c’est la signification religieuse qu’elle pouvait avoir pour les Grecs de l’époque, avant sa reprise par les philosophes, et par Socrate. C’était une invitation à connaître sa condition, sa place dans le monde, entre les bêtes et les dieux, donc à déterminer ce à quoi le destin nous porte sans chercher à en dépasser les limites.
Fulcran Teisserenc
Serions-nous une énigme pour nous-mêmes ?
Cette maxime désigne la place qui est la nôtre en tant qu’homme dans l’univers… et peut-être aussi jusqu’à la place de l’homme dans la société, et cela peut inclure aussi la connaissnance même de sa nature plus particulière, être de telle ou telle individualité. Chez Héraclite, une centaine d'années environ avant Socrate, il y a une interrogation de cet ordre : dans un fragment, il dit "Je me suis cherché moi-même". On peut estimer que partant à la recherche de lui-même, examinant celui qu’il est, il découvre un discours intérieur, une voix dont il ne perçoit pas exactement la signification. De ce point de vue, la parole de la Pythie, si elle reprend en partie la consigne inscrite sur le fronton du temple de Delphes, peut équivaloir à ce que découvre Héraclite en scrutant son intériorité : une parole énigmatique. Il y a chez Héraclite la conscience d’une forme d’énigme que l’on est pour nous-mêmes.
Fulcran Teisserenc
Texte lu par Bernard Gabay :
- Extrait d'Alcibiade, des Oeuvres complètes de Platon, traduction de Luc Brisson, éditions Flammarion (avec une musique d'Efren Lopez, Como al pie del suplicio estuve)
Sons diffusés :
- Archive d'Alain Goetzmann, coach et conseils aux dirigeants
- Chanson de Michel Berger, dans Starmania : Le blues du businessman
- Suzanne Flon lit un extrait de La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf, des Fables de La Fontaine
- Extrait des Femmes savantes, de Molière, acte IV scène III, mise en scène de Simon Heine, France Culture, 10 octobre 1998
- Adèle van Reeth lit un extrait d'Apologie de Socrate, des Oeuvres complètes de Platon, traduction de Luc Brisson, éditions Flammarion (avec une musique de Petrakis, Kima vai vrahos)
- Chanson de fin : Jean Gabin, Maintenant je sais
L'équipe
- Production
- Production déléguée
- Réalisation
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration