

Le philosophe Emmanuel Levinas est l'auteur de "Totalité et Infini". Ces termes ont une signification bien précise : l'infini doit permettre de sortir hors de la totalité, de lutter contre. Alors pourquoi la totalité est-elle dangereuse ? Quel est cet infini qui peut nous en sauver ? Dieu ? Autrui ?
- Catherine Chalier professeure émérite de philosophie à l’Université Paris Nanterre
Portrait d'Emmanuel Levinas par le dessinateur Arnaud D.
Emission en partenariat avec Philosophie Magazine qui consacre son dernier hors-série à Levinas.
L'invité du jour :
Catherine Chalier, philosophe, professeure émérite de philosophie de l’Université de Paris Ouest Nanterre
Faut-il distinguer la totalité du totalitarisme ?
Hanna Arendt et Emmanuel Levinas partagent un point commun quant à leur définition du totalitarisme. Arendt montre que le totalitarisme est une destruction de la pluralité entre les hommes et donc une destruction de la possibilité même de la politique. Chez Levinas, ce n’est pas précisément en ces termes qu’il l’exprime mais il voit aussi dans ce qu’il appelle la totalité une destruction de cette pluralité humaine.
Dans la préface de "Totalité et Infini", Levinas ne parle pas du totalitarisme mais de la totalité et c’est essentiellement centré sur la façon dont la philosophie et en l’occurrence celle de Hegel, pense l’histoire comme un processus qui sera un jour total et vise ce que Levinas appelle dans cette préface une téléologie, une fin, un but… Pour que ce but se réalise, les hommes sont au service de ce but et jouent des rôles sans pouvoir parler par eux-mêmes.
Levinas met en question la philosophie quand elle a une prétention de totalité, c’est-à-dire d’inclure dans un tout la pluralité humaine, les individus dans leur singularité irréductible, ce qui tient en échec cette totalité n’est pas un contre-pouvoir mais précisément la faiblesse de l’être humain qui nous juge et nous demande que nous arrêtions ce processus et soyons capables d’apprécier l’histoire dans l’instant où elle se passe.
Catherine Chalier
Levinas et Dieu
Par rapport à Dieu, le mouvement chez Levinas serait le suivant : en admettant que j’ai (ce qu’il récuse) le désir de Dieu, le désir de l’infini, la nostalgie de Dieu, que mon désir vit cet infini directement, il dit que cela n’aboutit jamais parce que Dieu ne me comble jamais de bien mais m’oblige au bien, meilleur que tous les biens à recevoir. C’est-à-dire que ce mouvement qui directement visait l’infini est détourné de cette fin qu’il visait vers les créatures humaines. C’est parmi les hommes que se joue ce désir de l’infini, et nulle part ailleurs… Catherine Chalier
Levinas et le désir
Le mot désir chez Levinas prend un sens très particulier, le désir n’est pas du tout ce qui surgit en moi à partir d’un manque que j’éprouverais, à partir d’une souffrance que j’éprouverais, et je chercherais comment combler ce manque, cette souffrance, d’une façon ou d’une autre ou par la rencontre de quelqu’un. Levinas met une majuscule à Désir dans "Totalité et Infini", il le pense d’une façon non négative à la manière hegelienne, il dit que le désir c’est l’autre qui le creuse en moi...
Catherine Chalier
Texte lu par Vincent Schmitt :
- Extrait de Difficile Liberté d'Emmanuel Levinas, éditions du Livre de Poche
Sons diffusés :
- Extrait du documentaire Hanna Arendt de Jean-Claude Lubtchansky, 1975
- Extrait du film 1984 de Michel Radford, 1984
- Musique de Michaël Levinas, Trois études pour piano
- Archive d'Emmanuel Levinas à propos de l'infini, issue des entretiens avec Philippe Nemo pour France Culture dans Les Chemins de la connaissance, 1981
- Deuxième archive d'Emmanuel Levinas à propos de la Bible et Platon, issue des entretiens avec Philippe Nemo pour France Culture dans Les Chemins de la connaissance, 1981
- Chanson de fin : Barry White, You're the First, the Last, My Everything
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