Steak-frites et tempura avec Roland Barthes : épisode 1/4 du podcast Je mange donc je suis

Steak-frites et tempura avec Roland Barthes
Steak-frites et tempura avec Roland Barthes - copyright Charlotte Mo
Steak-frites et tempura avec Roland Barthes - copyright Charlotte Mo
Steak-frites et tempura avec Roland Barthes - copyright Charlotte Mo
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Chez Roland Barthes, la nourriture n’est pas qu’une image, mais un langage encyclopédique, un signe porteur de valeurs... Ce qu’on pense être anodin est préconscrit par des discours et des mises en scène, alors que dit la nourriture de notre époque ? Y a-t-il une idéologie dans notre assiette ?

Avec
  • Mathieu Messager Maître de conférences en langue et littérature française à l'Université de Nantes.

Dessin de l'illustratrice Charlotte Mo : Insta @charlottemagicmo et Portfolio

"Qu'est-ce que la nourriture ? Ce n'est pas seulement une collection de produits, justiciables d'études statistiques et diététiques. C'est aussi et en même temps un système de communication, un corps d'images, un protocole d'usages, de situations et de conduites.
Comment étudier cette réalité alimentaire, élargie jusqu'à l'image du signe ?"
Roland Barthes

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L'invité du jour :

Mathieu Messager, maître de conférences en langues et littérature à l’université de Nantes, créateur du site Roland-Barthes.org

L’idéologie dans l’assiette

Roland Barthes casse l’idée naïve qu’en s’alimentant, on nourrit une fonction. La nourriture, pour lui, est porteuse de valeurs, de différents signes sous-jacents qui pré-déterminent les aliments… Dans “Mythologies”, Barthes nous dit qu’il y a une idéologie dans nos assiettes, et il comprend qu'elle ne se situe pas dans le ciel des idées mais se loge de manière plus incidieuse dans des objets a priori innocents, dans la vie de tous les jours, dans les vêtements que l’on porte… elle est à l’horizon du commun. “Mythologie” est un objet de combat, un texte d’une grande violence critique, il prend l’idéologie sur son propre terrain, parce que si elle porte sur notre culture matérielle, il faut alors déconstruire cette dernière depuis les objets que l’idéologie commune évoque…                    
Mathieu Messager

"L’empire des signes", un amour du Japon

"L’empire des signes" est peut-être le premier livre heureux de Barthes, il part d’un amour personnel pour le Japon. Barthes doute que la tempura appartienne au domaine du huileux, tant elle est légère : les catégories culinaires qui sont les nôtres s’évaporent sous le ciel du bonheur japonais. Aux yeux de barthes, la cuisine japonaise se déprend presque terme à terme de notre système de signes : les baguettes translatent du plat à la bouche comme la becquée maternelle, contrairement à nos fourchettes et couteaux qui agrippent et déchirent ; la cuisine japonaise se caractérise par les différents états de la crudité, tandis que chez nous ce sont les différentes carnations de la cuisson ; nous avons une consommation inféodée à un ordre : entrée, plat, dessert, tandis que, nous dit Barthes, c’est le fragment qui règne au Japon ; mais également, la cuisine japonaise s'oppose à la cuisine de la profondeur, occidentale, qui cache son centre : la pièce montée cache en son coeur l’objet alimentaire, on noie sous les sauces, tandis qu’au japon on baigne les éléments dans la sauce, le plat arrive sous cloche dans le restaurant gastronomique, maintenant le secret jusqu’au dernier moment quand au Japon l'on cuisine devant vous et l'on vous donne un à un les éléments... On n’est pas du tout dans la même représentation des signes.        
Mathieu Messager

Les Chemins de la philosophie
59 min

Textes lus par Denis Podalydès :

  • Roland Barthes, extrait de Mythologies, chapitre Cuisine ornementale, éditions du Seuil, 1957 (avec une musique de Pierre-André Athane, On mange dehors ?)
  • Roland Barthes, extrait de L’empire des signes, chapitre L’interstice, éditions du Seuil, 1970

Sons diffusés :

  • Mix de début d'émission avec extraits de Top Chef, émission culinaire, et extraits du film Le Marginal, de Jacques Deray (1983), avec Jean-Paul Belmondo
  • Extrait du film L’Homme qui tua Liberty Valance, de John Ford, 1962
  • Roland Barthes lit un extrait de Mythologies, Le bifteck et les frites, le 17 février 1959, RTF
  • Archive de Bernadette Flament, styliste culinaire, 27 juillet 2015
  • Petite archive sur la tempura, dans De bouche à oreille, 4 avril 1999, France Culture
  • Lecture par Roland Barthes du fragment J'aime, je n'aime pas, le 2 novembre 1975, France Culture
  • Archive de Roland Barthes sur la démystification du quotidien, 20 novembre 1964, dans Morceaux choisis, France Culture
  • Archive pub Panzani, 1969
  • Adèl van Reeth lit un extrait de Roland Barthes, Rhétorique de l'image, in Communication, n°4, 1964
  • Musique de Toto Cutugno, L’italiano
  • Chanson de fin : Sheila White, Le steak