À partir du XIXème siècle au Japon, toutes les pensées anciennes irriguent la philosophie de l’époque et cette dernière cherche à dialoguer en permanence avec le rationalisme occidental. Peut-on alors parler de philosophie japonaise ou plutôt de philosophies au Japon ?
- Michael Lucken Historien et directeur du Centre d'Etudes Japonaises de l'Inalco
- Clélia Zernik Philosophe, professeure d'esthétique à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris
En 1901, le philosophe japonais Nakae Chomin disait :
De l’Antiquité jusqu’au jour d’aujourd’hui, il n’y a jamais eu aucune philosophie au Japon.
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Depuis l’ère Meiji au Japon (1868-1912), il existe une philosophie au Japon même si elle n’est pas à proprement parler japonaise. Ce que cette injonction de Nakae Chomin signifie, c’est qu’il n’y a jamais eu de philosophie comme celle de Rousseau et des Lumières. Le Japon n’a pas connu d'encyclopédie du savoir au sens occidental. L’ère de Meiji apparaît comme le moment historique remarquable où le débat philosophique s’ouvre et se referme à la fois autour d’un clivage durable entre "pensée traditionnelle" et "philosophie occidentale".
Philosophie, est-ce le bon terme à employer pour la pensée japonaise ?
Les invités du jour :
Clélia Zernik, philosophe, professeure d'esthétique à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, elle effectue régulièrement des recherches au Japon pour suivre l’actualité de la production artistique
Autrice de Perception-cinéma aux éditions Vrin (2010), L’oeil et l’objectif aux éditions Vrin (2012) et d’une étude sur L_es 7 samouraïs_ d’Akira Kurosawa chez Yellow Now (2013)
et Michael Lucken, historien et directeur du Centre d'Etudes Japonaises de l'Inalco
Auteur de Nakai Masakazu : naissance de la théorie critique au Japon aux éditions Les Presses du réel.
Le Japon, un pays riche en philosophes
Il y a une communauté philosophique considérable au Japon, elle compte environ 1800 membres. Il y a des centaines d’universités au Japon et elles ont peu à peu été établies à la fin du 19ème siècle exactement sur un modèle comme en Europe ou aux Etats-Unis, elles ont toutes des cursus de philosophie. On commence par étudier les Grecs, puis Descartes et Kant et éventuellement la philosophie indienne ou la pensée chinoise. Les réactions qui vont pouvoir avoir lieu plus tard par des philosophes qui voudront réinterpréter leur propre tradition se fait toujours par rapport à un socle largement partageable avec ce qu’on connaît ailleurs.
Michael Lucken
La production intellectuelle japonaise ne peut se réduire à la mention occidentale
À partir du moment où on dissocie le monde grec et le monde romain du monde occidental, une position qu’on peut faire depuis qu’on sait qu’il n’y a pas de continuum entre la période antique moderne, qu’il y a eu des coupures puis des réinterprétations massives, on se dit que les Japonais ont été capables de faire la même chose et de fait, ils ont traduit du grec et du latin tout le corpus qui existe. On a donc affaire à une production intellectuelle massive qui ne peut pas se réduire à la mention occidentale et utilise de nombreuses références : romaines, grecques, allemandes, françaises mais s'inspire aussi de concepts liés au bouddhisme, au confucianisme, au taoïsme…
Michael Lucken
Pas de philosophie japonaise ?
Pour le photographe Naoya Hatakeyama, la philosophie japonaise n’existe pas pour deux raisons : "tetsugaku" signifie philosophie occidentale ; et deuxièmement : les Japonais sont très sérieux selon Hatakeyama, ils ont très bien lu Hegel et ont donc entendu que la philosophie en était arrivée à sa fin et qu’il n’y avait donc pas de philosophie contemporaine...
Clélia Zernik
L’école de Kyoto et Tetsurō Watsuji
L’école de Kyoto s’est développée autour de la pensée de Nishida qui essaye de concilier la pensée zen et les instruments de pensées occidentaux autour de la pensée de néant. L’un des philosophes de cette école, Tetsurō Watsuji, développe une pensée du "milieu", "Fûdo". Chez lui il n’y a pas de distinction entre le sujet et l’objet. Le milieu est précisément un entre-deux, entre sujet et objet.
Clélia Zernik
Sons diffusés :
- Début d'émission : extrait du film Lost in translation de Sofia Coppola, 2004
suivi d'une lecture d'Adèle Van Reeth des Dits et écrits de Foucault, 1978 - Archive d'Augustin Berque dans Les vendredis de la philosophie, France Culture, 2009
- Archive de Karatani, conférence de Stanford, 2007
- Chanson de fin : Shoukichi Kina, Haisai Ojisan Marufuku, 1993
L'équipe
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