Pourquoi le succès l’autogestion? Qu’est-ce qu’une entreprise, si son capital est défait? Quelle est l’importance de l’expertise d’usage? Pierre Rosanvallon s'interroge sur les raisons de l'aspiration à une nouvelle culture politique. Pourquoi la résurrection de la société civile? demande-t-il.
- Pierre Rosanvallon historien, professeur émérite au Collège de France, titulaire de la chaire d'Histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France
Rediffusion du 22 février 2017
Pourquoi, le projet socialiste était-il considéré comme indissociable de la socialisation des moyens de production?
Nous retrouvons ce matin le regard rétrospectif et critique (au sens d’examen) de Pierre Rosanvallon, titulaire de la chaire Histoire Moderne et Contemporaine du politique, qui a choisi cette année et l’an prochain, en un moment de questionnements aigus et d’effritement démocratique, d’interroger les « enthousiasmes et les explorations » des années post 68, dans une grande histoire intellectuelle et politique
Notre historien, témoin et acteur, étudiant en 68, engagé au sein de la CFDT et au sein de la revue de Michel Rocard, intitulée, Faire, dans les années 1970, mêle analyse des hommes, des œuvres et des événements, à son récit personnel. A partir de son propre itinéraire, il interroge l’esprit et les recherches autour de l’autogestion, d’une nouvelle culture politique, de la notion de « rupture nécessaire », d’une conception du changement fondée sur l’expérimentation sociale, d’une redéfinition du militant et du caractère délibératif de la démocratie… Il analyse le retour de "la société civile", concept vieilli hérité des penseurs écossais, revivifié notamment à l’Est en Pologne avec Bronisław Geremek et les dissidents qui "opposent le pays réel au pays légal", "les citoyens ordinaires face au PC". Avec le premier choc pétrolier, les cessations d’activités et le vide juridique laissé par ces cessations, c’est aussi la définition de l’entreprise qui est interrogée au carrefour, non d’un droit uniforme, mais de plusieurs droits. Pierre Rosanvallon met à jour ce matin et demain l’ossature de ce qu’on a appelé plus tard la 2e gauche.
Le cœur du cours aujourd’hui, c’est l’autogestion, c’est le "mot époque/carrefour/aspiration" de ces années 1970. Pierre Rosanvallon cite les vers du poème Liberté par Eluard, vers qui ouvrent son livre L’Age de l’Autogestion en 1976 et c’est tout un programme :
"Et par le pouvoir d’un mot, je recommence ma vie".
Marqué par l’expérience de 1968, Pierre Rosanvallon n’a pas poursuivi dans la voie prévue par ses études à HEC. Il a choisi d’accompagner en intellectuel les mutations et les urgences politiques de son époque.
Dans l'incipit de L’Age de l’Autogestion, il écrit :
"Parler de l'autogestion, c'est d'abord s'interroger sur la fortune d'un mot. Un mot nouveau : véritablement imposé qu'après 1968, un mot au sens étymologique restreint : l'autogestion c'est la gestion par soi-même. Et pourtant « autogestion » est devenu l'un des mots-clés du vocabulaire de la gauche française. Il a même fini par s'identifier à une sensibilité politique qui se veut novatrice et par qualifier toutes un ensemble de mouvements sociaux. La force de l'autogestion c'est d'abord cela. Aussi n'avons-nous pas hésité à mettre en exergue de ce travail l'étonnement du poète celui qui croit à la force des mots pour une augurer une réalité nouvelle".
Ces réalités nouvelles, nous les explorons tout de suite en gagnant, l’amphithéâtre du Collège de France, le 18 janvier dernier, pour le cours de Pierre Rosanvallon, Les années 1968-2018 : une histoire intellectuelle et politique, aujourd’hui « autogestion, société civile et nouvelle culture politique ».
Pour prolonger :
Site "cueillette" d'archives de luttes (affiches, photographies…) … autour de mai 68 par "Histoire Vive"
Autour de 1968 et de l'esprit de mai, nombreux documents numérisés sur le site de Gallica pour la BNF.
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