Daimôn : de la répartition : épisode 10/11 du podcast "Dieux, Daimones, Héros"

Mariage de Peleus et de Thetis : derrière Athéna & Artémis dans le char, le grand-père de Thetis, Okeanos, sa femme Téthys & Eileithyia, déesse de l'accouchement, suivent la procession (détail d'un Dinos à figures noires de Sophilos, v. 590 av JC).
Mariage de Peleus et de Thetis : derrière Athéna & Artémis dans le char, le grand-père de Thetis, Okeanos, sa femme Téthys & Eileithyia, déesse de l'accouchement, suivent la procession (détail d'un Dinos à figures noires de Sophilos, v. 590 av JC). - Trustees of the British Museum
Mariage de Peleus et de Thetis : derrière Athéna & Artémis dans le char, le grand-père de Thetis, Okeanos, sa femme Téthys & Eileithyia, déesse de l'accouchement, suivent la procession (détail d'un Dinos à figures noires de Sophilos, v. 590 av JC). - Trustees of the British Museum
Mariage de Peleus et de Thetis : derrière Athéna & Artémis dans le char, le grand-père de Thetis, Okeanos, sa femme Téthys & Eileithyia, déesse de l'accouchement, suivent la procession (détail d'un Dinos à figures noires de Sophilos, v. 590 av JC). - Trustees of the British Museum
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Comment, selon l’historien Hérodote au Ve siècle av. JC, les poètes ont-ils "fabriqué pour les dieux une généalogie" et comment ont-ils "réparti entre eux, honneurs et compétences" ? Que nous apprend Hérodote en faisant des dieux des puissances distributrices ou régulatrices?

Avec
  • Vinciane Pirenne-Delforge Historienne, professeur au Collège de France. Elle est titulaire de la Chaire Religion, Histoire et Société dans le Monde Grec Antique.

Comment le daimôn peut-il être une puissance divine locale ? Pourquoi revenir sur "l'argumentation paradoxale de Socrate", rapportée par Platon, et sur son hypothèse que "les daimones sont des enfants bâtards de dieux, nés de nymphes ou d'autres mères" ? Comment la famille d’Okéanos et de Téthys, puissances cosmogoniques toutes deux liées à l'eau, est-elle véritablement "disséminée"  sur la terre et dans les eaux ? 

Professeure au Collège de France, titulaire de la chaire « Religion, histoire et société dans le monde grec antique », Vinciane Pirenne-Delforge nous entraîne dans une grande enquête autour des "" Dieux, daimones, héros ". Elle nous rappelle aujourd’hui comment le titre de sa série est "lié à la classification des entités suprahumaines, opérée par Platon" :

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"Les puissances à honorer dans sa cité idéale relèvent selon le philosophe de trois ensembles : dieux – daimones – héros, à savoir les divinités 'olympiennes' – voire panhelléniques –, les divinités du terroir et les héros".

Alors que son enquête "sur la catégorisation du divin en Grèce ancienne", arrive presque au terme de sa première partie,  Vinciane Pirenne-Delforge nous rappelle :

"Le monde supra-humain des Grecs est un ensemble pluriel, qui se configure et se reconfigure, qui se contracte et se dilate, tout autant que les entités qui le composent, en fonction des contextes où ces dernières sont amenées à agir. Les différents dossiers poétiques que je vous ai soumis ces dernières semaines, en dépit de l’imposante présence de Zeus, ne voient pas agir que lui, bien au contraire. Selon Hérodote, les dieux ont 'mis en ordre toutes choses, ils président à toutes les répartitions' (II, 52). Ils apparaissent donc comme des instances dispensatrices."

L'historienne souligne ainsi : 

"Afin d’affiner la compréhension du sens de daimôn, il nous faut nous interroger de façon plus précise sur la portée de cette idée de répartition, de distribution et de régulation. Que signifie exactement Hérodote quand il recourt à l’expression 'pantas nomas eichon' ? "

Dans ce cadre, Vinciane Pirenne-Delforge revient  sur l’étymologie transparente du mot daimôn, contrairement à « hêrôs et theos ». Elle rappelle que le terme se rattache par sa racine verbal à l’action de « distribuer », « répartir », tandis que son suffixe animé fait du substantif ainsi formé un agent de l’action. 

« Daimôn est bien, au sens le plus littéral du mot, un distributeur, un répartiteur ». 

Nous avons vu dans le cours précédent consacré au daimôn dans les tragédies grecques, comment le mot de destin pouvait s’avérer une traduction bien faible au vu de la richesse sémantique qui se déploie dans la cascade d’occurrences du terme daimôn chez Eschyle, Sophocle, Euripide.

Vinciane Pirenne-Delforge a défini cinq identifications sémantiques auxquelles elle fait allusion en début de cours : 

  1. la synonymie entre theos, dieu et daimōn, qu’on se garde de traduire par démons.
  2. la « cristallisation » d’une action divine qui prend une consistance propre, dans le bien comme dans le mal attribué aux humains. A noter que les dieux sur l’Olympe peuvent être placés en regard de daimones épichthoniens, situés sur « sur la terre ».
  3. le daimōn action divine que l’on peut traduire par « le sort », mais qui peut aussi désigner la « destinée ».
  4. « le daimōn familial » qui évoque la récurrence, de génération en génération dans une même lignée, du bonheur ou du malheur.
  5. en dernière instance, le nom de daimōn qui est attribué à des défunts…

Alors d’Homère à Hésiode, en passant par les auteurs tragiques, de quelle réflexion  hérite Hérodote pour aborder l’action divine comme distribution ou répartition ? 

Nous gagnons le Collège de France, pour le cours de Vinciane  Pirenne-Delforge, le 11 avril 2019, aujourd’hui « Dieux, Daimôn, héros  : de la répartition ».

Pour prolonger :

La leçon inaugurale de Vinciane Pirenne-Delforge, Le polythéisme grec, comme objet d’histoire  a été publiée chez Fayard en 2018. Elle a également publié avec Gabriella Pironti L'Héra de Zeus: ennemie intime, épouse définitive, aux Belles lettres, en 2016.

Tout Homère, sous la direction d'Hélène Monsacré chez Albin Michel, et les Belles lettres, en 2019

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