De l’atelier de l’ethnographe à l’examen des généralisations inductives : épisode 7/10 du podcast Qu’est-ce que comparer ?

Philippe Descola aux côtés des anthropologues Françoise Héritier et Claude Lévi-Strauss.
Philippe Descola aux côtés des anthropologues Françoise Héritier et Claude Lévi-Strauss. - Collège de France
Philippe Descola aux côtés des anthropologues Françoise Héritier et Claude Lévi-Strauss. - Collège de France
Philippe Descola aux côtés des anthropologues Françoise Héritier et Claude Lévi-Strauss. - Collège de France
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Pourquoi dépeindre les conditions de l'enquête ethnographique et quelle est la part de subjectivité que l'observateur y déploie ? s'interroge Philippe Descola. Il poursuit son exploration des comparatismes et des paradoxes de l'ethnographie, tout en questionnant les concepts de tabou ou de "hau".

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Comment les termes de totem et de tabou se sont-ils dilatés quand le concept de potlatch est resté relativement plus spécialisé ? 

Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Anthropologie de la nature de 2000 à 2019, directeur d'études à l’’ EHESS, Philippe Descola est l’auteur d’une thèse d’ethnologie, sous la direction de Claude Lévi-Strauss, sur les Indiens Achuars en Haute Amazonie, qu’il a étudiés à la fin des années 1970 et dont il est devenu le spécialiste. Philippe Descola n’a cessé de pratiquer le comparatisme dans son métier d’ethnographe, ethnologue-anthropologue. Pour son ultime série de cours au Collège de France, il s’interroge « Qu’est-ce que comparer? »

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Dans le cours précédent, il est revenu sur les enjeux de l’enquête ethnographique, « l’enquête de terrain étant une enquête comparative de part en part », comme il aime le rappeler. Il met en valeur les paradoxes des disciplines de sa vie, à commencer par l’ethnographie. 

Philippe Descola note :

"Personne n'est capable d'expliquer aux néophytes en instance de départ ce qu'il doit faire au juste sur le terrain". 

Avant de partir en Amazonie, alors que Philippe Descola présente ses méthodes d’enquête à Claude Lévi-Strauss, ce dernier lui conseille en fin d’entretien :

« Laissez-vous porter par le terrain. »

Dans le synthétique et passionnant opuscule, « Une écologie des relations », publié en 2019, Philippe Descola raconte comment il s’est rendu chez les Achuar en Equateur, groupe réputé très belliqueux et qui n’avait accepté les contacts pacifiques que récemment. 

« Avec le temps, écrit-il, je pense que nous constituions, ma compagne, Christine Taylor, et moi, un motif permanent de distraction pour les Amérindiens, qui  nous observaient autant que nous les observions. Nous étions constamment soumis à leur regard puisque nous vivions dans une maison commune, et étions un peu comme une télévision ouverte sur le monde extérieur qu’on a tout le temps sous les yeux. Pour les enfants notamment, nous représentions une source de joie et d’amusement quotidienne. Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons été bien acceptés. Nous nous sommes lancés dans cette ethnographie de la population achuar en étudiant absolument tout, puisqu’aucun travail n’avait été jusque-là réalisé sur ces tribus. Pour cela, il fallait commencer par apprendre leur langue, qui n’est pas enseignée en Europe. (…) Lorsque nous avons commencé à comprendre l’Achuar, une partie de cette culture s’est révélée à nous, en particulier la chose que j’étais venu étudier à savoir le rapport aux plantes et aux animaux, qui est tout à fait singulier. »

Philippe Descola propose d’examiner aujourd'hui "différentes formes de généralisation inductive, tout à fait caractéristique du travail de l'anthropologie, depuis les origines de la discipline". 

Il s’attache en particulier en 2e partie de cours, aux concepts anthropologiques, dont la notoriété s'est répandue au delà de la discipline pour entrer dans le langage courant. 

"Ces concepts, nous dit-il sont issus de cette généralisation inductive qui consiste à dilater en extension le sens d'un concept autochtone, jusqu'à englober une foule de phénomènes disparates qui n'ont généralement pour seul point commun que de ne pas cadrer avec la manière dont on appréhende, en Occident, le champ de pratique que ce concept est réputé désigner."

Alors qu’est-il arrivé aux concepts de "totem, mana, tabou, chamanes, potlatch ou hau" ?

Comment l’analyse du concept de « Hau », notion très riche par sa polysémie, s’avère-t-elle un cas d'école pour comprendre comment deux grands savants comparatistes, Marcel Mauss et Claude Levi-Strauss bifurquent dans leur raisonnement ? 

Nous gagnons le Collège de France les 6 et 13 mars 2019 pour le cours de Philippe Descola, aujourd'hui « de l’atelier de l’ethnographe à l’examen des généralisations inductives »

Pour prolonger : 

Philippe Descola a récemment  publié Une écologie des relations aux editons du CNRS et sa monographie La nature domestique : symbolisme et praxis dans l'écologie des Achuar fait l'objet d'une nouvelle publication aux Editions de la Maison des sciences de l'homme (MSH).

Philippe Descola a préfacé la BD inspirée de ses travaux, Anent : nouvelles des Indiens Jivaros, sur un scénario et des dessins d' Alessandro Pignocchi (Steinkis, 2016).

Les Cours du Collège de France
59 min

CNRS, Le Journal "Les mondes de Philippe Descola", par  Stéphanie Arc, 21.10.2014.

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