

Comment aborder le développement d’une ville et son imaginaire spatial dans une histoire globale, connectée, à l’époque moderne ? Faut-il jouer de la dimension politique ou celle de l’économie ou les contourner toutes deux ? Que retenir de l’apport de Weber dans l’histoire de la ville?
- Sanjay Subrahmanyam Professeur à l'université de Californie à Los Angeles, professeur au Collège de France, Chaire Histoire globale de la première modernité.
Comment dépasser l’approche réductrice "centre/périphérie" ? s’interroge Sanjay Subrahmanyam, titulaire de la chaire d'Histoire globale de la première modernité.
L’historien polyglotte, né à New Delhi, qui aime mettre les archives en « conversations » d’un continent à l’autre, au service d’une histoire connectée, se partage entre l'université de Californie à Los Angeles et le Collège de France où il est professeur invité depuis 2013. Fidèle à sa propre expérience d’historien et d’enseignant itinérant, il nous entraîne cette semaine d’une cité à une autre, dans des jeux de miroirs et de dissemblances. Et fidèle encore à son approche décentrée, iconoclaste, malicieusement critique, « transfrontière , c'est-à-dire au-delà des limites géographiques, nationales et des disciplines (comme il l’explique dans une interview pour La Vie des Idées), il revisite les apports des sources variées et cosmopolites, diverses archives, chroniques, biographies, peintures, gravures et les apports ou faiblesses de l’historiographie récente, urbaine et mondiale, pour interroger les modèles de différents carrefours, de « centres mondes », selon le topos à dépasser, à l’époque moderne, pour sa série intitulée « Les plaques tournantes de l'histoire globale, XVIᵉ-XVIIIᵉ siècles : Carrefours et lieux de rencontre ».
Appartenant, comme il le souligne à « une génération en quelque sorte postnationaliste » (p.245), outre son accès direct à des archives de premières mains, en différentes langues, Sanjay Subrahmanyam explique dans ses Leçons Indiennes, la « chance » qu’il a eue « d’être en contact avec des personnes travaillant sur d’autres régions ». Ainsi à Paris, il a beaucoup échangé « avec des spécialistes de l’Asie du Sud Est, Denys Lombard, Claude Guillot… mais aussi de l’Amérique latine, comme Nathan Wachtel et Serge Gruzinski ».
Avant de nous proposer une première étude de cas, avec la ville sainte de La Mecque, qu’il resitue dans sa "vivacité", sa complexité et dans la problématique de villes musulmanes perçues comme des « centres disloqués », des « non-centres », il ouvre sur les limites de l’approche « centre-périphéries », sur l’apport et la critique des systèmes-mondes » forgée par Immanuel Wallerstein à la suite de Fernand Braudel.
Sur la nécessité de sortir du regard européen et de faire dialoguer les sources malgré la difficulté de la tâche, Sanjay Subrahmanyam notait déjà dans sa Leçon inaugurale donnée au Collège de France, en 2013,
"malgré notre énorme dette envers l’œuvre de Braudel, il me semble évident qu’il y avait un véritable problème d’asymétrie dans sa conception de l’espace. La Méditerranée de sa vision était avant tout une mer vue du nord, et à partir des sources et des regards européens, souvent chrétiens. Quand il s’aventurait plus loin, dans les eaux de l’océan Indien, pour ne citer qu’un exemple, l’asymétrie devenait d’autant plus flagrante".
Tout l’enjeu étant alors de tenir plusieurs fils sans tomber dans le comparatisme. Cela posé, Sanjay Subrahmanyam s’interroge aussi pour savoir quelles sont les idées les plus importantes à garder dans l’histoire de la ville de Max Weber, lui aussi critiqué. Comment peut-on utiliser et discuter la « ville patricienne », « l’autocéphalie », ou encore son "idée de l’air libre de la ville"… ? Présentant son approche à l’époque moderne, notre historien s’amuse d’une hiérarchie bousculée des plus grandes villes par rapport à aujourd’hui et des surprises que ce retour aux années 1500… peut réserver !
Et nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 18 janvier 2017, pour le Cours de SANJAY SUBRAHMANYAM, « Les plaques tournantes de l'histoire globale, XVIᵉ-XVIIIᵉ siècles : Carrefours et lieux de rencontre, aujourd’hui « des villes à l'époque moderne et d’une cité, La Mecque ».
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