Du travail à l’emploi, la redéfinition de la démocratie économique : épisode • 8/9 du podcast Figures juridiques de la démocratie

"New Deal N.R.A". Timbre américain de 3 centimes émis en 1933. La National Recovery Administration était une agence de premier plan créée par le président américain Franklin D. Roosevelt (FDR) en 1933.
"New Deal N.R.A". Timbre américain de 3 centimes émis en 1933. La National Recovery Administration était une agence de premier plan créée par le président américain Franklin D. Roosevelt (FDR) en 1933. - Bureau of Engraving and Printing ( U.S.  National Postal Museum)
"New Deal N.R.A". Timbre américain de 3 centimes émis en 1933. La National Recovery Administration était une agence de premier plan créée par le président américain Franklin D. Roosevelt (FDR) en 1933. - Bureau of Engraving and Printing ( U.S. National Postal Museum)
"New Deal N.R.A". Timbre américain de 3 centimes émis en 1933. La National Recovery Administration était une agence de premier plan créée par le président américain Franklin D. Roosevelt (FDR) en 1933. - Bureau of Engraving and Printing ( U.S. National Postal Museum)
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Comment comprendre la disparition aux Etats-Unis de l’idée de démocratie économique, alors que ce pays a été le premier à la consacrer ? s'interroge le juriste Alain Supiot. Comment la vague néolibérale des années 1970 a-t-elle pu aisément emporter la reconnaissance de la citoyenneté sociale ?

Avec
  • Alain Supiot Juriste, docteur honoris causae, professeur émérite au Collège de France

Comment la citoyenneté économique peut-elle se définir par référence au consommateur et non par référence au travailleur ? 

Dans la perspective de la « gouvernance par les nombres qui s’est progressivement imposée après-guerre », comment le débat s’est-il articulé sur « les rapports unissant croissance et inégalités de richesse. 

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La croissance engendre-t-elle mécaniquement une réduction des inégalités, ou bien cette réduction nécessite-t-elle une politique redistributive forte du type de celle du New Deal ? 

Alain Supiot, titulaire de la chaire État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités, membre de la Commission mondiale sur l'avenir du travail, nous propose une grande réflexion autour des " Figures juridiques de la démocratie économique".

Depuis lundi, le juriste nous entraîne dans une grande analyse de l’économie politique de la démocratie, en France et aux Etats-Unis du temps des Lumières au XXe siècle.

De Jefferson à Roosevelt, il a montré que « l’accaparement du pouvoir politique par la puissance économique avait été perçu comme un danger mortel pour la démocratie », une démocratie fondée ici sur un modèle de citoyens économiquement indépendants. 

Dans le cours précédent, Alain Supiot a mis en valeur avec le développement de la révolution industrielle, le débat autour de deux conceptions contrastées de la liberté et le passage de la liberté dans le travail à celle du travail. 

Alors que se posait la question, « le travail salarié est-il ou non compatible avec l'état d'un citoyen libre ? », Alain Supiot est revenu sur les approches des syndicalismes français et américains, au XIXe siècle, prônant un modèle de démocratie participative favorisant l’éducation et l’information des travailleurs. 

Mais l’aspiration à une démocratie industrielle fondée sur l’association ouvrière a dû faire face à des oppositions et en premier lieu celle des économistes libéraux partisans du laisser-faire. 

Alain Supiot a notamment analysé le célèbre arrêt Lochner contre NY en 1905, pour invalider les lois sociales : l’argument avancé par les juges de la Cour suprême des Etats-Unis, reposant sur « l’atteinte à la liberté contractuelle en général et à la liberté du travail du salarié en particulier ». 

C’est la conception de la liberté du travail qui l’emporte, et les politiques comme les syndicalismes américains et français se rallieront à cette conception, nous verrons encore dans le cours d’aujourd’hui avec quelles conséquences. 

Enfin, en dernière partie, Alain Supiot a montré comment les réformes du New Deal dans les années 1930 aux Etats-Unis, ont  non seulement visé à « restaurer la primauté du pouvoir politique sur le pouvoir économique », mais aussi à assurer à tous « un niveau de vie acceptable » en favorisant l’emploi, la croissance et la juste distribution des richesses. Il a cité longuement Roosevelt et notamment son discours au Congrès en 1938 :

La liberté d’une démocratie n’est pas assurée si le peuple tolère que le pouvoir privé croisse à un point tel qu’il devienne plus fort que l’État démocratique lui-même.

Plus loin, Roosevelt déclarait : 

La liberté d’une démocratie n’est pas assurée si son système économique ne procure pas d’emplois et n’assure pas une production et une distribution de biens propre à maintenir un niveau de vie acceptable. 

Avant d’aborder le tournant néolibéral des années 1970 et l’Europe contemporaine, Alain Supiot poursuit aujourd’hui son analyse de l’expérience du New Deal et il met en valeur l’apport paradoxal de ces réformes : comment l’impératif démocratique de l’indépendance dans le travail a-t-il pu passer au second plan ? 

Et nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 13 janvier  2017,  pour le cours d’Alain Supiot.

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