

Quels sont les signes de l’affaiblissement de l’hégémonie britannique, au Moyen-Orient, après 1945, et du rejet de la présence des troupes anglaises en Egypte et en Irak ? S’interroge l’historien Henry Laurens.
- Henry Laurens Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d'Histoire contemporaine du monde arabe.
Nouvelle diffusion du 6/02/2019
Comment l’agitation sociale et les émeutes "démontrent-elles qu’il n’existe plus en Egypte de force politique capable de faire admettre une alliance avec la Grande-Bretagne", alors que la base de Suez demeure essentielle dans le système de défense occidental, face aux ambitions soviétiques, dans le contexte de la guerre froide? De quelle façon la question du Soudan entre-t-elle en jeu dans les négociations égypto-britanniques ? Comment le manque de moyens financiers en Irak provoque-t-il une tension permanente avec la Grande-Bretagne, alors que les aspirations nationalistes agitent l’opinion publique ?
Henry Laurens, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire « Histoire contemporaine du monde arabe » ouvre le chapitre de l’érosion de l’hégémonie britannique dans le cadre de sa série pluri-annuelle consacrée aux
crises d’Orient. Il analyse dans le cours d’aujourd’hui l’échec des négociations égypto-britanniques entre 1945 et 1948, puis celui des négociations irako-britanniques.
Dans son ouvrage,
L’Orient dans tous ses états, volume IV des Orientales (CNRS Editions, 2017), Henry Laurens rappelle le contexte issu de la Seconde Guerre mondiale et de la bataille du désert :
"L’Orient arabe s'industrialise et s'enrichit en alimentant la machine de guerre britannique. La Grande-Bretagne se retrouvera lourdement endettée au profit de ses alliés arabes. Le raidissement britannique s'est accompagné de la fin de la fiction de l'empire libéral et le nationalisme moderne n'aura de cesse que les traités ne soient abrogés. Au lendemain de la guerre, après l'éviction des Français, les Britanniques se verront soumis à une érosion continue de leur position."
Dans le contexte de la guerre froide, l’historien explique :
"Les Britanniques avaient cru assurer leurs positions et leur rôle mondial en prenant sur eux la constitution de la ligne d'arrêt du communisme soviétique, de la Grèce à l’Iran, en passant par la Turquie. En 1947, ils comprennent qui n’en ont plus les moyens. Avec la doctrine Truman, les États-Unis prennent la relève".
Comme nous l’avons vu dans le cours précédent,
"La flotte de guerre américaine prend position à proximité des détroits, remplaçant dans ce rôle séculaire la flotte britannique. C’est la naissance de la VIe flotte."
De fait, explique encore Henry Laurens,
"La doctrine Truman de 1947 fait des États-Unis les premiers pourvoyeur d’aide à la Grèce et à la Turquie qui intègrent ensuite l’OTAN. Si la route des Indes disparaît avec l’indépendance de l’Inde en 1947, la Méditerranée continue à jouer un rôle essentiel dans les relations internationales à un moment où les Américains supplantent par étapes les Britanniques. Dans la terminologie américaine, du lendemain de la Seconde guerre mondiale, le Moyen-Orient va du Maroc à l’Inde".
Nous gagnons le Collège de France le 9 janvier 2019, pour le cours d’Henry Laurens intitulé, « Les crises d’Orient, l'hégémonie britannique 1926-1956 », aujourd’hui « l’échec britannique, en Egypte et en Irak »
Pour prolonger :
Henry Laurens a notamment publié Les crises d'Orient. Question d’Orient et Grand Jeu (1768-1914)**,**chez Fayard en 2017 et prochainement le tome 2 de ces crises d’orient va paraître sous le titre La naissance du Moyen Orient 1914-1949
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