Europa Regina - Leçon de clôture de Victor Stoichita : épisode 8/7 du podcast L’Europe des images

Les conséquences de la guerre - 1639
Les conséquences de la guerre - 1639 - Pierre Paul Rubens
Les conséquences de la guerre - 1639 - Pierre Paul Rubens
Les conséquences de la guerre - 1639 - Pierre Paul Rubens
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Quelle est la place de l'Europe dans le nouvel imaginaire qui se déploie après l'année charnière et copernicienne de 1543 ? s'interroge l'historien et critique d'art, Victor Stoichita.

Pourquoi Rubens, peintre et diplomate, grand voyageur, s'attache-t-il dans une lettre écrite en italien en 1638, à propos de son tableau "Les conséquences de la guerre" à la figure d'une Europe souffrante, en ces temps de misères, dépouillée de tous ses attributs, à l'exception de sa couronne ? Au-delà du discours allégorique, comment se constitue un imaginaire d'une Europe reine à l'aube des temps modernes ? Qu'est-ce qui entre en jeu entre l'Europe des Habsbourg et l'iconographie anthropomorphe des cartes de l'Europe ? Comment l’idée européenne laisse-t-elle la place à une réflexion mondialisante, selon la formule de Victor Stoichita ?

Nous voici aujourd’hui arrivés au terme de sa grande série sur l’Europe des images. Professeur invité au Collège de France, titulaire de la chaire européenne pour l’année 2017-2018, l’historien et critique d’art, d’origine roumaine, spécialiste de la peinture de la Renaissance et du baroque, en Italie et en Espagne nous propose pour sa leçon de clôture de réfléchir sur la figure de l’"Europe reine" à partir des tableaux et des cartes, à l’époque moderne, qui prennent littéralement la forme humaine de la princesse Europe, entremêlants textes, images, géographie et éléments anatomiques.

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Europa Prima Pars Terrae In Forma Virginis -1537
Europa Prima Pars Terrae In Forma Virginis -1537
- Johann Putsch
Frontispice de l'Atlas "De Europae virginis" - Cologne, 1588
Frontispice de l'Atlas "De Europae virginis" - Cologne, 1588
- Frans Hogenberg

Dans sa leçon inaugurale, Victor Stoichita a proposé une passionnante exploration des œuvres du Titien au XVIème siècle et de Velázquez, au siècle suivant, tout en interrogeant leurs liens avec Les Métamorphoses d’Ovide. Dans Les Fileuses de Velázquez, le critique s'est attaché notamment à la figure d'Arachné placée devant une tapisserie qui reproduit l’Enlèvement d’Europe du Titien, d'après la fable d'Ovide.

Dans un grand entretien donné en 2018, Victor Stoichita explique le lien entre sa leçon inaugurale et la leçon qui clôt aujourd’hui sa passionnante série sur l'Europe des images sous le titre, « Europa Regina ». Il indique à propos des Fileuses de Velázquez : 

"Dans cette toile, il m’a semblé que se joue quelque chose de vraiment exemplaire au niveau culturel et figuratif. Je ne suis pas allé plus loin dans la leçon inaugurale mais je pense y revenir dans la leçon de clôture et je peux vous donner quelques repères. Dans l’histoire d’Europe et l’histoire d’Arachné, il se joue quelque chose de très important, qui je pense n’intéressait pas directement Velázquez, car il n’avait pas l’intérêt que nous avons aujourd’hui pour la notion d’Europe ou le couple Orient-Occident, etc. C’est donc presque une expression inconsciente : comme Walter Benjamin parlait d’un inconscient optique, on sent ici le poids d’un inconscient figuratif.

Regardons de plus près ces deux personnages féminins, poursuit-il : Europe d’un côté, Arachné de l’autre. La nymphe Europe est la fille d’Agénor, qui était aux origines un Égyptien devenu roi phénicien, puis lorsqu’elle est enlevée par Zeus qui la désire, elle est déposée sur l’île de Crète. 

Donc l’espace propre de cette histoire, c’est le bassin de la Méditerranée, c’est-à-dire qu’il y a dans le nom même d’Europe quelque chose qui va au-delà de notre notion un peu bête de l’Europe comme Europe occidentale. Arachné, qui fait le tapis avec l’histoire d’Europe, qui a éveillé la jalousie de Pallas Athéna, qui n’a pas aimé et a déchiré cette œuvre, était originaire de Lyde, donc aussi du côté oriental de la Méditerranée."

Comment la réflexion, la symbolisation de l’Europe en Europe reine, en une Europe qui tient le globe terrestre,  peut-elle inaugurer une réflexion plus actuelle, qui interroge la place et l’avenir pour l’Europe après la chute des empires, qui pourrait interroger la place et l’avenir de l’Europe après la fin de l’Européocentrisme ?

Nous gagnons tout de suite l’amphithéâtre du Collège de France, le 4 juin 2018 pour le cours de Victor Stoichita, intitulé L’Europe des images, aujourd’hui leçon de clôture, " Europa Regina"

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Pour prolonger :

La leçon inaugurale de Victor Stoichita « Les Fileuses de Velázquez. Textes, textures, images » est publiée chez Fayard. 

Parmi ses publications :

L’instauration du Tableau. Métapeinture à l’aube des Temps Modernes (Paris, 1993, nouvelle édition Genève, 1999)

L'Œil mystique : peindre l'extase dans l'Espagne du Siècle d'or, Paris, Le Félin, 2011 

L'Image de L'Autre: Noirs, Juifs, Musulmans et "Gitans" dans l'art occidental des Temps modernes, Paris, 2014

L'Effet Sherlock Holmes. Variations du regard de Manet à Hitchcock, Paris, 2015