Quels sont les motifs de discrimination visés par la loi ? se demande François Héran. Qu’est-ce qu’une discrimination indirecte non intentionnelle ? L'anthropologue-démographe fait le point sur ce que nous apprennent les grandes enquêtes sur les discriminations à l’embauche.
- François Héran Sociologue et professeur au collège de France
François Héran, titulaire de la chaire « Migrations et société », se partage entre le Collège de France et l’animation de l’ Institut Convergences Migrations. Dans le cadre de sa série intitulée, « Intégration : constats et débats » le sociologue-démographe revient sur les différents travaux et enquêtes qui tentent d’appréhender le thème discuté de l’intégration. Dans le cours précédent, il a ouvert le complexe dossier des discriminations.
Dans un article publié dans La Vie des idées qui s'appuie sur l’introduction de son cours, il rappelle :
"C’est un fait d’expérience, la plupart des immigrés ou des descendants d’immigrés jugent insupportable la prétention des organismes de recherche ou de statistiques à mesurer leur degré d’intégration."
Comment expliquer ce rejet ? demande l'anthropologue-démographe.
Pour Dominique Schnapper, que cite François Héran,
« les hommes démocratiques tendent à percevoir toute forme de distinction comme discriminante ».
"Du coup, poursuit François Héran, l’intérêt du sociologue pour le sort d’une sous-population particulière est perçu comme un geste qui singularise et stigmatise. L’explication me paraît trop générale, car les distinctions d’âge, de sexe, d’état matrimonial, d’éducation, de revenus, d’état de santé, sont elles aussi susceptibles de vous renvoyer à votre condition et, le cas échéant, à la faiblesse de vos résultats, sans susciter pour autant un rejet de même ampleur."
"Dominique Schnapper, note encore François Héran, cite une autre explication, plus percutante", livrée par le sociologue Didier Lapeyronnie :
« l’intégration est le point de vue du dominant sur le dominé »
Dans on introduction, François Héran a aussi mis en évidence la "scène du jugement" (une expression qu'il emprunte au sociologue canadien Erving Goffman) à laquelle les migrants qui doivent s’intégrer sont sans cesse soumis.
"Cette scène communique avec la « scène quotidienne du jugement », celle des interactions ordinaires, celle qui se joue sur les apparences, sur les signes visibles, cette scène dont nous sommes tous les acteurs, les immigrés comme les natifs, et qui peut se traduire par des inégalités de traitement illégitimes, ce qu’on appelle proprement la discrimination".
Dans la perspective de sa série sur l'intégration au Collège de France, François Héran a été auditionné en mars 202O au Sénat dans le cadre d'une commission sur la radicalisation islamise. Il explique comme dans le cours d'aujourd'hui que "les enquêtes de l'Insee et les testings montrent l'ampleur des discriminations".
"C'est un phénomène observé dans l'ensemble du monde occidental qui se traduit par une réduction moyenne de 30 % des chances d'embauche. En France, ce pourcentage est variable selon les origines : avec des origines maghrébines ou subsahariennes, ce taux dépasse 50 %. Cela crée des frustrations considérables. L'étude de Fabien Jobard, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), sur les contrôles de police au faciès dans les lieux publics parisiens les plus fréquentés atteste également cette discrimination : en moyenne, à Châtelet, à la Fontaine des Innocents, sur le quai du Thalys ou dans le grand hall de la Gare du Nord, vous avez quatre fois plus de chances d'être interpellé si vous êtes noir ou arabe - et même douze fois plus à certaines heures ! Même si vous êtes en tenue de ville et non coiffé d'une capuche..."
Nous gagnons le Collège de France, le 28 février 2020 pour le cours de François Héran, aujourd’hui "Intégration et discrimination, le sort de la 2egénération (suite)"
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