L’art survivra à ses ruines - Leçon inaugurale d'Anselm Kiefer

A. Kiefer devant "Der fruchtbare Halbmond" (2009), 5 oct. 2011, Museum Frieder Burda, Baden-Baden•
A. Kiefer devant "Der fruchtbare Halbmond" (2009), 5 oct. 2011, Museum Frieder Burda, Baden-Baden•  - ROLF HAID / DPA / AFP - AFP
A. Kiefer devant "Der fruchtbare Halbmond" (2009), 5 oct. 2011, Museum Frieder Burda, Baden-Baden• - ROLF HAID / DPA / AFP - AFP
A. Kiefer devant "Der fruchtbare Halbmond" (2009), 5 oct. 2011, Museum Frieder Burda, Baden-Baden• - ROLF HAID / DPA / AFP - AFP
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Aujourd’hui, le peintre et sculpteur allemand, Anselm Kiefer se prête au jeu d’essayer de parler de sa pratique artistique et de sa « foi » viscérale dans l’art, « sans lui, je suis perdu », nous confie-t-il.

Avec

Cette semaine, nous vous propose d’explorer les archives du Collège de France. Avant la diffusion des cours de Victor Stoichita sur "l’Europe des images", voici  la rediffusion de la leçon inaugurale d’Anselm Kieffer (rediffusion du 20/07/2016)

Le plasticien, Anselm Kiefer, dont la première activité le matin est la lecture, dit sa passion pour la littérature Genet, Rimbaud, Paul Celan... Dans une interview donnée à l’Express en 2011, il a cette belle formule :

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« Pour moi, les poèmes sont comme des bouées posées dans l’abîme ; je nage de l’un à l’autre ». Il se dit aussi « tiraillé entre le désir de peindre et celui d’écrire ». Quand il est « bloqué sur une œuvre, l’écriture l’inspire ».

Le « chercheur rêve tout haut sa recherche » nous dit Roland Barthes dans sa leçon inaugurale (et c’est bien lui que vous entendez dans notre générique, chaque jour aux côtés de Georges Duby, Pierre Bourdieu, André Gillois et Françoise Héritier). Anselm Kiefer noue un bref dialogue avec son prédécesseur qu’il admire dans le cadre intimidant du Collège de France, pour mettre l’accent sur « le rêve éveillé » et en déduire qu’en tant qu’être et artiste « c’est un fait », il a « toujours rêvé de l’impossible ».

Le peintre rappelle que « la nature de l’art est de se mettre en danger » (itw dans L'Express, 2011) et dans sa leçon, il répète le credo :

« l’art doit être subversif. L’art doit être nuisance. »

Son œuvre s’inscrit dans cette perspective et dans sa conviction que « l’artiste produit du sens dans un océan d’absurde. Il le fait en métamorphosant les choses les plus laides, les plus insignifiantes, en splendeurs. »

Lui qui est né, en mars 1945, peu avant la fin de la guerre, qui n’a pas de souvenir du nazisme, se dit « profondément blessé par l’histoire de l’Allemagne ». Dès lors comment créer après l’holocauste ? A la fin des années 1960 après des études littéraires et de droit et avoir fréquenté les Ecoles des Beaux-Arts de Fribourg-en-Brisgau et de Karlsruhe, il se fait photographier dans les villes européennes, habillé d’un uniforme de la Wehrmacht et en « mimant » le salut nazi. S’il fait scandale, il rappelle néanmoins en 2011 que son but n’était pas de « provoquer » mais qu’il « cherchait confusément à briser le silence ».

Son interrogation de la mémoire allemande s’est « élargie d’une quête spirituelle nourrie de grands mythes de l'humanité et de mystique kabbalistique ». Exposé dans les plus grands musées du monde, couronné de prix, dont le Prix de Gaulle-Adenauer qu’il partage en 2008 avec Christian Boltanski pour leur contribution au rapprochement entre la France et l’Allemagne, le peintre allemand installe son grand atelier dans une ancienne usine de filature à Barjac en 1993 dans le Gard et se partage avec son atelier en région parisienne à partir de 2007. Il construit, métamorphose les lieux, laisse ses tableaux dehors pour que la nature travaille dessus, puis les enferme dans des containers « jusqu’à ce qu’ils fassent signe » ou pas… pour en ressortir.

Ses peintures ont une épaisseur du fait de l’ajout de paille, de ciment… Pour Anselm Kiefer cela renvoie à son souvenir des briques :

« Enfant je n’avais pas de jouets, alors je ramassais les briques dans les décombres (…) et j’érigeais des constructions. C’est la raison pour laquelle j’aime les ruines »

La leçon inaugurale qu’Anselm Kiefer, prononce dans le cadre de la chaire annuelle de Création artistique est intitulée « L’art survivra à ses ruines », le 2 décembre 2010 :

« L’autodestruction a toujours été le but le plus intime (…) de l’art, explique –t-il : « quelle que soit la force de l’attaque, et quand bien même il sera parvenu à ses limites, l’art survivra à ses ruines. »

Pour prolonger :

Anselm Kiefer au Collège de France •
Anselm Kiefer au Collège de France •
- Patrick Imbert / Collège de France

Edition électronique de cette leçon inaugurale

Anselm Kiefer vu par le Centre Pompidou, "LES FLEURS DE CENDRE D’ANSELM KIEFER", une belle entrée dans l'oeuvre du peintre-plasticien en reproductions soignées et en mots.

Anselm Kiefer: "La nature de l'art est de se mettre en danger", interview avec Annick Colonna-Césari, L'Express, 25/02/2011

Anselm Kiefer, retour sur ses œuvres, sur le site L'Art Moderne UTL 13 (cette page propose différentes reproductions et un panorama de l'approche du peintre plasticien allemand).

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