Comment la doctrine Law and Economics théorise-t-elle la soumission de la loi au calcul économique, comme jadis la planification soviétique a pu instrumentaliser le droit? Alain Supiot s'interroge sur la relation entre le droit et l’économie et ce qui peut réunir l’ultralibéralisme et le communisme.
- Alain Supiot Juriste, docteur honoris causae, professeur émérite au Collège de France
Les postmodernes ont-ils eu une vision réductrice du droit ?
Alain Supiot, Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire «État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités», après l’hybridation du droit et de la quantification va nous présenter celle du communisme et de l’ultralibéralisme dans le cadre de sa série de cours consacrée au passage « Du gouvernement par les lois à la gouvernance par les nombres ». Pour ce spécialiste du droit du travail, la planification soviétique représente justement « une première expérience » de gouverner par les nombres.
Dans sa présentation pour le Collège de France, Alain Supiot explique :
"l’édification du communisme a représenté la première tentative de bâtir un univers social à deux dimensions : celui du plan et de la planification, dans lequel le droit n’est plus qu’un instrument de mise en œuvre d’un calcul d’utilité collective".
Dans une interview donnée au magazine L’Usine Nouvelle, le juriste analyse les convergences de la « contre-révolution ultralibérale » et de l’économie communiste de marché. Pour Alain Supiot :
"Lénine est un précurseur dans sa façon de vouloir étendre à la société tout entière le modèle de l’entreprise, selon le credo aujourd’hui rabâché par les prédicateurs de l’ultralibéralisme et du New Public Management, qui pensent qu’un État doit être géré selon les mêmes méthodes "scientifiques" qu’une entreprise".
Le juriste poursuit
Comme l’a montré Bruno Trentin dans son grand livre sur "La cité du travail", il y a eu un accord profond du capitalisme et du communisme pour placer le travail sous l’égide de la technoscience et l’évincer ainsi du périmètre de la délibération politique et de la justice sociale.
C’est « l’hybridation » de ces deux types de régimes, qui ont donné lieu, selon Alain Supiot à l’émergence de l’ultralibéralisme et à l**’utopie contemporaine d’un Marché total**. Il s’agit aussi d’examiner le rôle de la doctrine Law and Economics, doctrine qui est encore au cœur de l’analyse du droit aujourd’hui. Alain Supiot met en valeur aussi une différence essentielle avec la période qui précède la chute d’une URSS déconnectée du réel et, avant que la globalisation bouleverse nos sociétés. Il constate en particulier :
"le libéralisme classique demeurait conscient du fait que la libre poursuite par chacun de son intérêt individuel ne pouvait engendrer la prospérité générale que dans le cadre d’un droit qui bride la cupidité. L’ultralibéralisme au contraire prend pour des faits de nature les fictions juridiques qui fondent le marché et en vient à considérer le droit lui-même comme un produit en compétition sur un marché des normes".
Le droit est asservi au calcul tandis que l’Etat est très critiqué.
Et nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, pour le cours d’Alain Supiot, le 28 mars 2013, « L’asservissement de la loi aux nombres, du Gosplan au Marché Total »
Pour prolonger :
Edwin A. Abbott, Flatland, A romance of many dimensions, With Illustrations by the Author, A SQUARE (Edwin A. Abbott 1838-1926)
Les ressources en ligne autour d'Alain Supiot : bibliographie, conférences et entretiens, les résumés annuels des cours…
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La leçon inaugurale d'Alain Supiot, "Grandeur et misère de l’État social" sur France Culture et au Collège de France (lien vers le fichier vidéo).
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