Comment situer l’exploration libre de Foucault et ses interrogation sur l’art libéral de gouverner ? Quel est le constat de l'ambiguïté du libéralisme ? Pierre Rosanvallon s'interroge sur la césure de 1981 et le long hiver des idées dans les années 1980.
- Pierre Rosanvallon historien, professeur émérite au Collège de France, titulaire de la chaire d'Histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France
Rediffusion du 28 février 2017
Après l’exploration des enthousiasmes du grand laboratoire d’idées des années post 68, où le maître-mot, le "mot-époque" était « autogestion », "mot-aspiration" qui s’évanouit avec l’avènement des Thatcher, Reagan et Mitterrand, pas du même bord mais qui ouvrent indéniablement une autre page, c’est le temps de "l’essoufflement", de "l’engourdissement" nous dit, Pierre Rosanvallon, titulaire de la chaire Histoire Moderne et Contemporaine du politique. Nous le retrouvons ce matin, pour sa série sur 2 ans, intitulée « Les années 1968-2018 : une histoire intellectuelle et politique ».
C’est le moment de « l’affaiblissement », du retrait de certaines grandes figures intellectuelles, du "Grand Sommeil" pour reprendre le titre d’un projet de livre non publié du malicieux et cinéphile Cornélius Castoriadis, ce moment de langueur, d’impuissance, d’imaginaire en panne, où la fête et la joyeuse nuit blanche sont finies. Les espoirs, les utopies sociales et politiques se heurtent au « réalisme »,
au "gouvernement des faits qui contraint les esprits" , "c’est la césure de 1981, avant même la bise du plan de rigueur de 1983", nous dit Pierre Rosanvallon, c’est le rapport à « la notion de culture de gouvernement ».
Les chantiers qui étaient très vivants, restent inachevés et leur inachèvement, jadis plein de promesses, ressemble alors à une désillusion, ce sont les années 1980, celles que le philosophe-psychanalyste Félix Guattari a qualifié d’années d’hiver dans son recueil d’articles. Années de doutes… Que peuvent les intellectuels ? L’interrogation fleurit sous différente formes ?
Pierre Rosanvallon fidèle à sa méthode de mêler histoire, philosophie politique et expériences pratiques, continue le fil de son itinéraire personnel. Il choisit de ne plus écrire dans les journaux, au profit de la longue et approfondie fréquentation des bibliothèques au service d’un travail de longue haleine, c’est le passage à "l’universitaire atypique" au service de livres singuliers qui ne cessent d’interroger les tensions de la démocratie.
Dans La Démocratie à l’œuvre, Pierre Rosanvallon explique
je me suis aussi progressivement rendu compte que c'était en travaillant à des ouvrages de fond que je restais finalement le plus dans l'actualité". Mais il reconnaît que le "sentiment d'urgence" qui a pu présider à ses premiers travaux, ne l'a "pourtant pas quitté tant l'idéal démocratique n'a cessé d'être malmenées et même fortement menacé".
Cette césure des années 1980, c’est aussi le temps de la rencontre avec François Furet et le temps de son séminaire, dont il esquisse dès ce matin le stimulant compagnonnage et le système d’échanges avec des personnalités différentes et au fort tempérament qui le fréquentaient.
Avant les années EHESS, retrouvons d'abord les échanges entre Pierre Rosanvallon et Michel Foucault.
Et nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 25 janvier 2017 pour le cours de Pierre Rosanvallon, Les années 1968-2018 : une histoire intellectuelle et politique, aujourd’hui « L’hiver des années 1980 ».
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