La nouvelle économie de la migration et l’indicateur de migration potentielle : épisode 17/13 du podcast Pourquoi migrer ?

Migrante vénézuélienne marchant le long d’une route en direction de Pacaraima, État de Roraima, Brésil, 15 février 2018. Des centaines de milliers de Vénézuéliens, fuient l’effondrement économique vers la Colombie, le Brésil, ou en Équateur.
Migrante vénézuélienne marchant le long d’une route en direction de Pacaraima, État de Roraima, Brésil, 15 février 2018. Des centaines de milliers de Vénézuéliens, fuient l’effondrement économique vers la Colombie, le Brésil, ou en Équateur. ©Getty - André Coelho/Bloomberg via Getty Images
Migrante vénézuélienne marchant le long d’une route en direction de Pacaraima, État de Roraima, Brésil, 15 février 2018. Des centaines de milliers de Vénézuéliens, fuient l’effondrement économique vers la Colombie, le Brésil, ou en Équateur. ©Getty - André Coelho/Bloomberg via Getty Images
Migrante vénézuélienne marchant le long d’une route en direction de Pacaraima, État de Roraima, Brésil, 15 février 2018. Des centaines de milliers de Vénézuéliens, fuient l’effondrement économique vers la Colombie, le Brésil, ou en Équateur. ©Getty - André Coelho/Bloomberg via Getty Images
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Quelles sont les théories de la migration et quelle a été l’approche interdisciplinaire sur ce grand fait de société s’interroge, le démographe François Héran. Comment analyser le désir de migrer ? Qu’est-ce que l’indicateur de migration potentielle de Gallup ?

Avec

Nouvelle diffusion du 28 mars 2019

Agrégé de philosophie, longtemps démographe-sociologue à l’INSEE et l'INED, François Héran, titulaire de la chaire « Migrations et sociétés », se partage désormais entre le Collège de France et la direction de l’ Institut Convergences Migrations. Dans le cadre de sa nouvelle série "Pourquoi migrer ?", il propose d'interroger les facteurs déterminants des migrations.

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Que fuient les Vénézuéliens aujourd’hui, la misère ou l’insécurité ? Faut-il parler de migration politique ou de migration économique ? 

François Héran interroge la notion de calcul d'intérêt, chère aux économistes et s’attache à rendre la complexité des ressorts de la migration. Comment peut intervenir la recherche de l’émancipation ? Il montre que la dichotomie entre le politique et l’économique n’est pas si simple, quand les Vénézuéliens cherchent un environnement plus sûr alors que leur propre pays s’écroule, quand ils passent la frontière pour retrouver la sécurité, des vaccins pour leurs enfants et de quoi vivre.  

Hôpital San Jose de Maicao, La Guajira, en Colombie, le 11 août 2018 : des migrants vénézuéliens bénéficient de soins de santé à la frontière colombienne alors que la crise migratoire se poursuit
Hôpital San Jose de Maicao, La Guajira, en Colombie, le 11 août 2018 : des migrants vénézuéliens bénéficient de soins de santé à la frontière colombienne alors que la crise migratoire se poursuit
© Getty - Nicolo Filippo Rosso/Bloomberg

Dans le cours précédent, François Héran a présenté les recherches majeures du démographe Douglas Massey qui a rassemblé les nombreux travaux sur les ressorts des migrations dans une approche interdisciplinaire. Il est revenu sur la théorie néoclassique et les critiques dont elle a pu faire l’objet et il a présenté l’apparition du capital humain et son intégration à la théorie des migrations.

Dans une interview récente, donnée fin décembre au Journal du CNRS, François Héran explique :

J’ai découvert le sujet des migrations en 1976. Après des études de philosophie, j’ai fait une thèse d’anthropologie sur les transformations de la grande propriété agraire en Andalousie depuis le XVIIIe siècle, ce qui m’a amené à m’intéresser aussi aux micro-propriétaires qui vivaient en marge du système et qui, à cette époque, étaient nombreux à émigrer. 

J’ai étudié surtout les facteurs qui poussaient à l’émigration les habitants de huit villages de montagne, dans l’arrière-pays de la Costa del Sol. Ce que j’ai découvert m’a surpris : les plus pauvres, les analphabètes, les chargés de famille, migraient peu ou seulement au sein de la région ; c’étaient les plus instruits, les plus jeunes…, qui migraient au loin, vers la France ou l’Allemagne.

À l’époque, peu de travaux existaient sur la migration, et les grands sociologues français comme Pierre Bourdieu, Raymond Boudon ou Alain Touraine ne l’abordaient guère, si ce n’est parfois à travers le prisme de la pauvreté. On ne parlait d’ailleurs pas d’immigrés mais d’étrangers.

C’est seulement à partir de 1993, quand j’ai pris la tête de la division des Enquêtes et des études démographiques de l’Insee, que j’ai retrouvé le sujet des migrations, que je n’ai plus quitté depuis : mon équipe élaborait les grands indices démographiques de la France et notamment le solde migratoire. Notre travail n’était pas simple à l’époque. C’était juste après la chute du Mur de Berlin (novembre 1989, NDLR), et des rumeurs persistantes annonçaient l’arrivée massive de migrants depuis l’Est de l’Europe. Pourtant, on avait beau scruter les indicateurs, on ne voyait rien venir. Pour la première fois, j’ai touché du doigt le décalage qui pouvait exister entre les craintes sur les migrations et la réalité statistique. 

Aujourd’hui, c’est le « décalage entre l’intention de migrer et la réalisation de ce projet » que le démographe-démographe-sociologue analyse. Pourquoi tout le monde ne migre-t-il pas ? Comment peuvent intervenir le calcul d’interêt dans le choix de migrer et le non intéressement ? Qu’est-ce que la nouvelle économie de la migration ?

Nous gagnons le Collège de France, le 17 janvier 2019, pour le cours de François Héran, aujourd’hui « Théories de la migration : la modélisation des causes » (partie 2).

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