

Qui résidait dans le quartier proche du sanctuaire de Nanna, le dieu-Lune, dans la ville d’Ur en Mésopotamie antique ? S’interroge l’assyriologue, Dominique Charpin.
- Dominique Charpin Assyriologue, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire "Civilisation mésopotamienne"
Comment les prêtres étaient-ils propriétaires de leurs maisons ? Que nous apprennent les fouilles et les archives sur ces prêtres qui pouvaient léguer leur demeure et leur charge à leurs enfants ? Comment le mélange de documents d’archives et de textes littéraires et religieux permet-il d’avoir une image particulièrement détaillée de la vie de ces prêtres ? Que savons-nous du clergé rattaché au dieu Enki d’Eridu?
Dominique Charpin, titulaire de la chaire « Civilisation mésopotamienne », nous entraîne entre archéologie, épigraphie et histoire dans une grande enquête autour des fouilles et des archives de « La ville d'Ur à l'époque paléo-babylonienne », entre 2004 et 1595 av. J.-C.
Depuis la semaine passée, il a ouvert le grand dossier du sanctuaire du Dieu-lune, Nanna attaché à la ville d’Ur, mais aussi ceux des bâtiments proches. Il met l’accent aujourd’hui sur les quartiers, « situés au sud-ouest du grand sanctuaire, où les fouilles ont révélé plusieurs maisons habitées par des membres du clergé, notamment une famille de purificateurs au no 7 Quiet Street ».

Dans sa leçon inaugurale, présentée en 2014 au Collège de France, Dominique Charpin expliquait :
L’assyriologue ne cesse de réfléchir sur la nature de ses documents : pourquoi les textes ont-ils été écrits, comment et pourquoi ont-ils été conservés ? Mais il lui faut aussi bien souvent penser le problème de « l’absence de sources » : est-elle signifiante ou est-elle due au hasard ? Ce qui nous est connu est-il représentatif de ce qui a existé ? Un cas exemplaire est formé par le contraste entre la fin du IIIe millénaire, qui a livré des milliers de textes écrits par les bureaucrates au service des rois d’Ur dans quelques dizaines d’entrepôts et d’autres ateliers, et le début du IIe millénaire, marqué par la multiplication des archives familiales.
Il notait encore et nous retrouverons ces questions aujourd’hui :
En ce qui concerne l’assyriologie, la première des frontières est la répartition des textes en genres : on est spécialiste de littérature, ou des textes religieux, ou des documents d’archives. Cependant, bien des découvertes montrent que ces différentes catégories de textes se trouvaient mêlées dans des ensembles signifiants. C’est ce que j’ai pu mettre en évidence dans ma thèse d’État sur le clergé d’Ur. Une des maisons proches du principal sanctuaire de la ville était particulièrement intéressante. Les contrats et les lettres montraient qu’elle avait été habitée par deux générations de purificateurs.
On y a aussi trouvé de nombreux textes religieux, dont plusieurs hymnes pour lesquels il n’existe aucun duplicata : il ne s’agit pas d’« œuvres » traditionnelles, mais de compositions de circonstance, liées à la venue du roi dans le temple auquel ces purificateurs étaient rattachés. Il faut continuer à travailler sur les ensembles de textes tels qu’ils ont été découverts, sans les segmenter artificiellement.

Nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 6 juin 2018, pour le cours de Dominique Charpin, intitulé "La ville d'Ur à l'époque paléo-babylonienne", aujourd’hui « Le clergé et son habitat »
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