Épisode 24/15 : Le droit de la citoyenneté dans le monde (le sang, le sol, le temps, suite) 9/15

Titulaire de la chaire « Migrations et sociétés », François Héran se partage entre le Collège de France et l’animation de l’ Institut Convergences Migrations. 

Dans le cadre de sa série intitulée « Intégration : constats et débats », il poursuit son analyse de l’histoire du droit de la citoyenneté, entre droit du sang et droit du sol.

Normalien, riche d’un parcours international, François Héran est passé de la philosophie, quand il était étudiant, aux travaux anthropologiques de représentation de la parenté avant de devenir sociologue démographe de la France contemporaine

Il se demande aujourd’hui comment se fait l’acquisition de la nationalité  dans le monde sur un fond de droit du sang. Il a notamment présenté les pays arabes, les Emirats Arabes Unis,  où domine le droit patrilinéaire, et la kafala, sorte d’adoption non plénière.

François Héran va aussi ouvrir le grand dossier des discussions de politique démographique et migratoire après 1945. Il va nous montrer quel rôle a pu jouer René Cassin, le grand rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme pour "pondérer l'argument démographique, l’argument économique et l'argument juridique des droits de l'homme, pour définir les nouvelles lois de l'immigration"

Dans le cours précédent, il avait expliqué comment en 1927 l'ouverture de la naturalisation a eu pour contrepartie la restriction des droits des naturalisés, citant le livre de Partick Weil , Qu’est-ce qu’un Français ? 

"A partir de 1940, se produisent de véritables «crises ethniques» de la nationalité : antisémite sous Vichy, racialiste à la Libération, antimusulmane plus récemment", notait l’historien. Nous avons vu comment les degrés d’assimilation avaient pu être questionnées par l’administration française.

Dans leur ouvrage, intitulé « Ils sont devenus Français, dans le secret des archives » Doan Bui et Isabelle Monnin (en 2010) qui ont pu consulter les dossiers de demande de naturalisation, citent les réponses données aux différentes rubriques qui évaluent les degrés d’assimilation. 

Wassily Kandinsky, né russe, naturalisé Allemand, forcé à l’exil par l’évolution politique en URSS et dans l’Allemagne nazie demande en octobre 1938, « au crépuscule de sa vie », après 5 ans de vie en France , sa naturalisation. 

"Dans une lettre poignante, il indique que son rêve est de devenir Français. Il s’est installé « dans un pays libre, où, écrit-il, j’ai la pleine possibilité de travailler dans le domaine de l’art dans le sens que je trouve juste et nécessaire » (…) «  la naturalisation me rendrait vraiment heureux ». À la question pour quel motif demande-t-il sa naturalisation, il répond, qu’il aime la France et que c'est le pays de l’art. Kandinsky qui a échappé à la révolution russe, au régime nazi, indique prudemment à la rubrique, « Attitude politique » : n’en manifeste pas »."

Alors que certains pays, comme l'Argentine, naturalisent très vite les étrangers, d’autres comme la Chine s’y refusent. Alors qu’est-ce qui se jouent entre le droit du sang et du sol, dans le monde ?

Nous gagnons le Collège de France le 7 février 2020 pour le cours de François Héran, aujourd'hui "Le droit de la citoyenneté dans le monde (le sang, le sol, le temps, suite)".