Le Giparku : princesses et religion : épisode 6/10 du podcast La ville d'Ur à l'époque paléo-babylonienne

Disque votif en albâtre: Enheduanna, fille de Sargon d'Agade au XXIVe siècle, princesse, prêtresse & poétesse (3e personnage en partant de la gauche - Université de Pennsylvanie, Musée d'archéologie et Anthropologie de Philadelphie, Etats-Unis)
Disque votif en albâtre: Enheduanna, fille de Sargon d'Agade au XXIVe siècle, princesse, prêtresse & poétesse (3e personnage en partant de la gauche - Université de Pennsylvanie, Musée d'archéologie et Anthropologie de Philadelphie, Etats-Unis)  - Mefman/Wikicommons
Disque votif en albâtre: Enheduanna, fille de Sargon d'Agade au XXIVe siècle, princesse, prêtresse & poétesse (3e personnage en partant de la gauche - Université de Pennsylvanie, Musée d'archéologie et Anthropologie de Philadelphie, Etats-Unis) - Mefman/Wikicommons
Disque votif en albâtre: Enheduanna, fille de Sargon d'Agade au XXIVe siècle, princesse, prêtresse & poétesse (3e personnage en partant de la gauche - Université de Pennsylvanie, Musée d'archéologie et Anthropologie de Philadelphie, Etats-Unis) - Mefman/Wikicommons
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Que savons-nous du temple de la déesse Ningal, épouse du dieu-Lune ? Qui était la grande prêtresse du dieu Nanna, l’Entum ? Comment ces prêtresses se situaient-elles entre religion et politique ? S’interroge l’assyriologue, Dominique Charpin.

Avec
  • Dominique Charpin Assyriologue, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire "Civilisation mésopotamienne"

Comment devenait-on entum ? Quelle était la postérité de ces prêtresses ? Qui était Sin-nada, intendant du temple de Ningal ?

Dominique Charpin, titulaire de la chaire « Civilisation mésopotamienne », nous entraîne entre archéologie, épigraphie et histoire à la redécouverte de « La ville d'Ur à l'époque paléo-babylonienne », entre 2004 et 1595 av. J.-C. 

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Après des études d’histoire, d’archéologie et de philologie à la Sorbonne, Dominique Charpin qui s’est pris de passion dès sa jeunesse pour la région de l’ancienne Assyrie, s’est spécialisé sur la Mésopotamie au deuxième millénaire avant J.-C., l’époque « paléo-babylonienne » qui est dominée par la figure illustre du roi Hammu-rabi.

Dans le cours consacré au culte de Nanna, diffusé la semaine passée, l’assyriologue rappelait : 

Le polythéisme mésopotamien organisait le panthéon de plusieurs manières. Les dieux étaient unis les uns aux autres par des liens familiaux : c'est ainsi que le dieu-Lune, Nanna/Sin, était considéré comme fils aîné du couple Enlil-Ninlil.  Il était l’époux de Ningal et père de Inanna/Ištar et d’Utu/Šamaš, mais aussi de divinités moins connues comme Gubalag.

Les dieux avaient un enracinement territorial : les plus importants d'entre eux étaient considérés comme principale divinité d'une ville. (…) Pour la ville c’était le dieu-Lune, Nanna. Logiquement, le sanctuaire de Nanna à Ur était le plus important sanctuaire de la ville, au cœur de laquelle il se trouvait.

Différents bâtiments étaient liés à ce sanctuaire. Nous avons découvert le Ganumah, pour la vie économique et le Dublamah pour la vie juridique dans le cours précédent. Aujourd’hui, Dominique Charpin interroge un nouveau bâtiment : le gipar

Le Giparku, résidence des prêtresses-entum et temple de la déesse Ningal
Le Giparku, résidence des prêtresses-entum et temple de la déesse Ningal
- Dominique Charpin/Collège de France

Il indique que "ce bâtiment, attesté depuis le troisième millénaire, regroupait deux ensembles architecturaux distincts correspondant à deux fonctions :

- la demeure des prêtresses-entum, soit le gipar proprement dit. Il n’existait qu’une seule prêtresse-entum à la fois, choisie parmi les filles du roi et vouée au dieu Nanna/Sin pour sa vie entière ; elle habitait dans cette demeure, sous laquelle se trouvaient les tombeaux des précédentes entum ;

- et enfin, le temple de la déesse Ningal, parèdre de Nanna. Les fouilles de 2017 ont permis de découvrir la maison de l’intendant de ce temple au sud de la ville…"

Vue aérienne de la maison de l'intendant du temple de Ningal, en cours de fouille (mars 2017)
Vue aérienne de la maison de l'intendant du temple de Ningal, en cours de fouille (mars 2017)
- A. Otto/Collège de France

Dans le cours d'aujourd'hui, Dominique Charpin s'interroge en ouverture, "qu'est-ce qu'un gipar?" Il propose différents textes, dont un extrait de la Lamentation sur Ur__, avec ce passage, adressé au dieu Nanna :

Ur, le sanctuaire, a été livré au vent, comment maintenant peux-tu prospérer ?                  
Sa prêtresse-en ne vit plus dans le Gipar, comment maintenant peux-tu prospérer ? (…)                  
Ta prêtresse-en fidèle, choisie voluptueuseuement dans l'Ekišnugal,                  
Ne se rend plus joyeusement du sanctuaire au Gipar. »                  
(N. Samet, The Lamentation over the Destruction of Ur, MC 18, Winona Lake, 2014, p. 72-73 l. 348-349 et 353-354)

Dominique Charpin explique qu'on possède à Ur une inscription d'une entum nommée Enanedu qui donne une définition plus précise :

« Enanedu, prêtresse-entum de Nanna, – la grandeur de la prêtrise est innée, la noblesse chose divine : la personne qu'aime Ningal reçoit de sa main ce qui fait la pureté de la prêtrise, – parure de l'Ekišnugal, qui culmine plus haut que les cieux, ornement de l'É.NUN, lumière très brillante qui se lève sur le pays, convenant, vu sa sainteté, au masque de la prêtrise, appelée à juste titre pour accomplir les rites de purification de la divinité, princesse pleine de révérence, qui se tient sur la haute estrade du temple de son roi, après avoir procédé à la purification, Enanedu, prêtresse présentée à Nanna et Ningal –  à Ur, ville prééminente de Sumer, lieu où joue pour le seigneur Dilimbabbar (= Nanna) l'instrument-zannaru, - l'être qui a le grand rôle d'y bâtir en un lieu pur le Gipar pour en assurer la prêtrise (nam-en), c'est moi ! »  

L'assyriologue poursuit sa présentation :

"On voit donc les relations étroites de l'entum avec le dieu Nanna mais aussi avec la déesse Ningal, et on voit que le bâtiment Gipar est directement lié au statut de cette prêtresse." 

"À Ur, il s'agit d'une institution qu'on peut suivre dans la longue durée : d'Enheduanna, fille de Sargon d'Agade au XXIVe siècle à Ennigaldi-Nanna, fille de Nabonide, au VIe siècle soit près de deux millénaires ! C'est en outre le seul endroit où un Gipar ait été retrouvé, à l'exception de Khafaje/Tutub. "

Nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 30 mai 2018,  pour le cours de Dominique Charpin, intitulé La ville d'Ur à l'époque paléo-babylonienne, aujourd’hui « Le Giparku : princesses et religion"  

Pour prolonger :

Les B-52's ont enregistré, en 1982, un titre qui évoque la Mésopotamie ancienne, une rencontre dans les temps les plus reculés, les ruines... C'est notre générique pour le cours d'aujourd'hui.