La loi peut-elle être ramenée au nombre? Pourquoi le rêve d’harmonie par le calcul? Alain Supiot se demande comment on est passé de la fascination pour les nombres, à leur utilisation pour appréhender le monde, pour anticiper et limiter les incertitudes de tous les domaines au moyen des prévisions.
- Alain Supiot Juriste, docteur honoris causae, professeur émérite au Collège de France
Comment les chiffres, le calcul et autres inventions comptables (des statistiques aux probabilités) se sont « dotés d’une force proprement juridique avec la pratique contemporaine de la gouvernance par les nombres » ?
« La loi peut-elle être ramenée au nombre ? » demande le juriste Alain Supiot, Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire «État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités», pour ouvrir cette nouvelle semaine de cours consacrée au passage « Du gouvernement par les lois à la gouvernance par les nombres ».
La semaine passée, le juriste a exploré sur la longue durée et dans une approche transnationale et multidisciplinaire, le rapport aux lois de différentes sociétés et le « cheminement de l’idée de gouvernement par les lois » jusqu’aux grands bouleversements de la globalisation et de la révolution numérique. Or ces dernières mutations ont entraîné la soumission du droit au calcul. Alain Supiot propose d’interroger cette semaine « la gouvernance par les nombres », de questionner les processus d’hybridation entre quantification et droit, puis entre communisme et ultralibéralisme.
Dans son livre, La Gouvernance par les nombres (Fayard, 2015), dans l'introduction du chapitre intitulé "L'asservissement de la Loi au Nombre : du Gosplan au Marché total", il indique :
"Le libéralisme classique se plaçait sous le règne de la loi. Il faut revenir sur le renversement de ce règne par la planification soviétique pour comprendre tout ce que l'ultralibéralisme partage avec l'utopie communiste". (p. 158)
Aalin Supiot explique que cette « croyance dans l’harmonie par le calcul » qui va de Pythagore à aujourd’hui, est « explicitement affirmée » par le Traité de fonctionnement de l’Union européenne, où « l’harmonisation » se présente tantôt comme un moyen de réalisation des libertés économiques garanties par le traité, tantôt comme un processus spontané résultant du fonctionnement du marché intérieur ». Mais il nuance le succès de cette croyance qui a fait l’objet dès l’Antiquité de réserves. Selon Aristote – à qui l’on doit l’une des premières définitions de la « justice sociale », écrit-il dans sa présentation –
"ce ne sont pas les mathématiques qui président à l’association des hommes, mais la nécessité d’accorder la différence de leurs travaux à la similitude de leurs besoins".
Du Collège de France à l' Institut d'études avancées de Nantes qu’il a créé en 2008, et dont il préside aujourd'hui le comité stratégique, ce grand spécialiste du droit du travail, marque son attachement au débat contradictoire d’idées , à la liberté de recherche et aux rencontres qui ouvrent d’autres perspectives. Le juriste pose sur la crise actuelle un regard large et engagé, entre hier et aujourd’hui, ici et ailleurs.
Et nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, pour le cours d’ Alain Supiot le 7 mars 2013, « Le rêve d'harmonie par le calcul ».
Pour prolonger :
Les ressources en ligne autour d'Alain Supiot : bibliographie, conférences et entretiens, les résumés annuels des cours…
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La leçon inaugurale d'Alain Supiot, "Grandeur et misère de l’État social" sur France Culture et au Collège de France (lien vers le fichier vidéo).
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