Épisode 5/9 : Le talent, comme arme critique au XVIIIe siècle

Comment les inégalités peuvent-elles devenir acceptables selon les idéaux du XVIIIe siècle, quand on se place du côté du talent (quelle est la dotation des individus) et de la vertu (comment la responsabilité entre en jeu) ? 

Pierre Michel Menger, titulaire de la chaire de Sociologie du travail créateur, directeur d'études à l’EHESS, nous entraîne dans une passionnante enquête autour des énigmes et des défis que pose la notion de talent, de l'Antiquité à la littérature managériale la plus contemporaine.

Après des études de philosophie et un doctorat de sociologie, il est entré au Centre national de la recherche scientifique puis à l'École des hautes études en sciences sociales, où il a dirigé le Centre de sociologie du travail et des arts, dans une démarche pluridisciplinaire. Il a rapproché "la sociologie de l’économie, du droit et de l’histoire pour chercher à renouveler, explique-t-il l’analyse théorique et empirique du travail, des marchés et des modèles d’acteur dans les sciences sociales, notamment à partir de recherches sur des activités et des systèmes d’emploi qui exacerbent les paris sur l’innovation et déclenchent des inégalités de réussite considérables". 

Dans sa série, pluriannuelle sur 2017 et 2018,  intitulée « Qu'est-ce que le talent ? Éléments de physique sociale des différences et des inégalités », après avoir interrogé l’étymologie de cette notion paradoxale de talent et après avoir proposé une lecture sociologique de la célèbre parabole des talents dans l’évangile de Saint-Matthieu, il propose de revenir sur la lecture du 18e siècle du talent, sur le débat des réformateurs et des philosophes des Lumières autour de l’égalité et des inégalités.

"Le talent est certes un facteur de l'accomplissement individuel, souligne le sociologue, mais une élite du talent doit se comporter tout autrement qu'une élite des privilèges du sang, du rang et de la richesse. D'où la complémentarité recherchée entre le talent comme capacité et la vertu comme conduite". 

"L'article "Talent" de l'Encyclopédie met ainsi en garde contre l'hubris de la supériorité à l'égard d'autrui" : 

"Tous les talents, de quelque espèce qu'ils soient,  ne dépendent pas de nous, et ne doivent par conséquent nous inspirer ni orgueil pour nous ni mépris pour les autres ;  ils ne deviennent estimables que par le bon usage que nous en faisons, et ne se rendent recommandables que par la modestie qui en relève l'éclat et le mérite."

En fin de cours, Pierre-Michel Menger se penche en particulier sur le domaine des carrières militaires au XVIIIe siècle. Comment l'armée a-t-elle mis en place un système de détection et de sélection des talents?

Et nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 3 février 2017, pour le cours de Pierre-Michel Menger, éléments d'histoire de la notion de talent.

Programmation musicale :

1-      « Le devin du village » (Ouverture) / Compositeur : Jean-Jacques Rousseau / Interprètes :Cantus Firmus Consort Direction Andreas Reize / Disque CPO 777260

2-      « Les Noces de Figaro » / WA Mozart / Interprètes : Vienna Philharmonic Orchestra direction Riccardo Muti / Disque EMI 7479788.