Les bases juridiques médiévales de la démocratie : épisode • 4/9 du podcast Figures juridiques de la démocratie

L'"Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement" (1338-40) orne La Salle des Neuf (conseil de 9 citoyens « gouverneurs et défenseurs de la commune et du peuple » du Palazzo pubblico de Sienne
L'"Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement" (1338-40) orne La Salle des Neuf (conseil de 9 citoyens « gouverneurs et défenseurs de la commune et du peuple » du Palazzo pubblico de Sienne  - Ambrogio Lorenzetti (Wikicommons)
L'"Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement" (1338-40) orne La Salle des Neuf (conseil de 9 citoyens « gouverneurs et défenseurs de la commune et du peuple » du Palazzo pubblico de Sienne - Ambrogio Lorenzetti (Wikicommons)
L'"Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement" (1338-40) orne La Salle des Neuf (conseil de 9 citoyens « gouverneurs et défenseurs de la commune et du peuple » du Palazzo pubblico de Sienne - Ambrogio Lorenzetti (Wikicommons)
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Comment la nécessité de mettre la démocratie à l’abri de la domination des plus riches, a-t-elle puissamment animé les pères fondateurs de la démocratie américaine et avant eux, les cités médiévales italiennes ? Que doivent nos démocraties contemporaines à la période médiévale et au christianisme ?

Avec
  • Alain Supiot Juriste, docteur honoris causae, professeur émérite au Collège de France

Quelles sont les bases juridiques et médiévales de la démocratie, de l'apport du droit canonique à l'apport du droit communal ? Comment l'air de la ville peut-il rendre libre ? 

Alain Supiot, titulaire de la chaire État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités, membre de la Commission mondiale sur l'avenir du travail, nous entraîne dans une grande réflexion autour des Figures juridiques de la démocratie économique, cette semaine et la suivante. 

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Afin de comprendre la spécificité de la culture démocratique occidentale dans le contexte actuel de la globalisation, il analyse la généalogie de cette notion de "démocratie économique". Dans le cours précédent, il a notamment indiqué et je le cite, que : 

La démocratie naît d’une pratique plutôt rare, mais dont la Grèce ancienne n’a pas eu le monopole, qui consiste pour les hommes libres d’une société donnée, à s’assembler pour décider ensemble et sur un pied d’égalité des affaires communes. (…) « il y a bien des raisons de penser que notre tradition doit tout autant et sans doute davantage aux formes de délibération développées au Moyen Age pour administrer les affaires de l’Église, nous explique le juriste. Mais ce qui m’intéresse ici est de vous montrer qu’aussi bien dans la Grèce ancienne qu’au Moyen-Age et plus tard dans l’Amérique devenue indépendante la question économique a toujours été au cœur de la pratique de la démocratie, et que ce n’est que de façon somme toute récente, avec le néolibéralisme, qu’on a prétendu l’en exclure, en tentant de substituer à la vieille « économie politique », une « science économique », qui  comme toute science ne relève pas du débat démocratique mais s’impose à ce débat. 

Avec la Grèce de Solon, confronté à une cité d’Athènes déchirée par les inégalités économiques, nous avons découvert hier, comment la démocratie grecque avait pu trouver « son origine dans un acte souverain d’effacement des dettes des pauvres à l’égard des riches ». 

Pour Alain Supiot, Solon « reconnaît à tous les hommes libres une part de dignité, mais pas encore une égale dignité. Il en résulte une égalité devant la loi, mais pas encore un droit égal de faire la loi. »  

Ce pas sera franchi par les réformes introduites par Clisthène un siècle plus tard, rappelle-t-il. Le vocabulaire politique se déplace alors de la notion d’eunomie, de bonne répartition des places, à celle de cratos, d’exercice du pouvoir. 

Celui-ci ne doit être détenu ni par un seul (un autocrate, monarque ou tyran), ni par les nobles (les aristocrates), ni par les plus riches (les ploutocrates), mais par le peuple (démocratie). 

Le juriste avait également mis en valeur en fin de cours, « la symbolisation religieuse de la Cité comme foyer commun de citoyens égaux », cette dimension religieuse participant de la Référence commune qui fonde toute assemblée démocratique, chacun devant « respecter les croyances fondatrices de la Cité ». 

Il avait montré que « la pratique de la démocratie exige des citoyens vertueux » et qu’ « une démocratie vivante se reconnaît à ce qu’elle met le service public au sommet de son échelle de valeurs, bien au-dessus de l’enrichissement personnel. »

Et nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 25 novembre  2016, pour le cours d’Alain Supiot.

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