Les étagères mentales : épisode 2/10 du podcast Les bibliothèques invisibles

France Culture
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D’où vient l’image mentale de Madame Bovary, personnage éponyme du roman de Gustave Flaubert? William Marx, philologue et historien de la littérature analyse "les forces qui agissent à travers les bibliothèques invisibles et qui interagissent entre bibliothèques visibles et bibliothèques invisibles"

"Comment se fait-il que des faits que nous reconnaissons, sans le moindre doute comme totalement fictifs, nous importent parfois plus, nous bouleversent plus que des faits réels? S’interroge le philologue, William Marx. Normalien, agrégé de lettres classiques, ayant vécu au Japon, à Kyoto, William Marx est titulaire de la chaire de "Littératures comparées". Dès sa leçon inaugurale donnée en 2020, il nous a invité à explorer la bibliothèque du monde, une bibliothèque à la fois matérielle et mentale. Pour sa deuxième série de cours au Collège de France, il s’attache à la stimulante question des « bibliothèques invisibles ». Quels sont les liens entre la bibliothèque qui nous habite et la bibliothèque, faite d’étagères ou de casiers, pour accueillir les livres modernes ou les rouleaux de manuscrits antiques ou asiatiques ? S’interroge-t-il.La "cinquième dimension" des bibliothèquesDans une interview donnée en 2021 au magazine Diacritik, William Marx rappelle :"La question des bibliothèques, celle de leur prégnance mentale et culturelle, me préoccupe depuis longtemps : j’ai rédigé un mémoire de maîtrise sur les bibliothèques publiques dans la Rome antique, j’ai longtemps travaillé pour la Bibliothèque nationale de France, et mon livre "Vie du lettré" tournait autour de ce sujet en l’abordant de biais. Il m’a semblé que cette question fournirait la meilleure introduction à ces années d’enseignement qui commencent pour moi au Collège de France, dans la mesure où elle se situe précisément à la charnière du monde où nous vivons et de celui que nous lisons".William Marx définit ainsi ce qu’il appelle « la magie d’une bibliothèque ». "En apparence, elle se situe là, devant nous, dans les quatre dimensions de l’espace et du temps que nous connaissons. Mais en réalité elle déploie une cinquième dimension invisible à l’œil nu et accessible uniquement au lecteur des livres : celle du contenu des livres, qui constitue indiscutablement une réalité mentale à part entière, un autre monde s’ouvrant à qui veut bien lui donner les forces et le temps nécessaires. C’est le fameux sonnet de John Keats, « En découvrant l’Homère de Chapman ». Ce sont aussi les liens qui peuvent se tisser entre les œuvres et leur transmission que William Marx met en valeur.Dans le cours d'aujourd'hui il indique : "Si une bibliothèque visible est une collection de textes, la  bibliothèque invisible est, elle, un ensemble d’œuvres de nature  langagière, dont un individu ou un groupe peut avoir une conscience ou  une représentation plus ou moins distincte. Dans le cadre de cette  définition, la notion d’œuvre correspond à un texte actualisé dans  l’esprit par la lecture, à l’image mentale d’une œuvre de langage (dans  le sens de la philosophie et de la psychologie cognitives)."Etagères, casiers... et organisation des savoirsQuelle est l’importance des représentations de l'organisation du savoir et de l'organisation des livres à l'intérieur de nos représentations mentales ? Demande aujourd’hui le philologue, historien de la littérature."L’unité de base de la bibliothèque matérielle – l’étagère – sera aussi  le point de départ de notre exploration des bibliothèques invisibles, note William Marx. Elle nous permettra de constater deux choses fondamentales : d’une  part, la différence entre l’imaginaire impliqué par le codex et celui du volumen et, d’autre part, une similitude entre la géographie  mentale des livres impliquée dans la classification décimale de Dewey et  celle des arbres du savoir."Nous gagnons le Collège de France, le 26 janvier 2021 pour le cours de William Marx, aujourd’hui « Les étagères mentales »

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