

Comment monter un escalier dans une page de BD, des auteurs américains à Hergé? s'interroge Benoît Peeters. Comment Winsor McCay, le créateur de "Little Nemo" s'est-il servi du principe de métamorphoses pour développer l'art de la bande dessinée? Quels sont les nouveaux horizons de son écriture?
- Benoît Peeters Écrivain, scénariste de bandes dessinées et éditeur
Quelle est la dynamique spécifique du récit en bande dessinée et quel est le rôle essentiel des ellipses et des enchaînements? Comment être visible dans le noir ou faire entendre le son dans le dessin?
Nous poursuivons notre exploration du " Génie de la bande dessinée", du précurseur Rodolphe Töpffer à la dessinatrice américaine Emil Ferris, en compagnie de l'écrivain Benoît Peeters, dans le cadre de sa conférence inaugurale à l' Année de la bande dessinée au Collège de France.
Titulaire d’une habilitation à diriger les recherches, Benoît Peeters est visiting professor à l’université de Lancaster. Spécialiste d’Hergé, il a publié trois ouvrages qui sont devenus des classiques : Le Monde d’Hergé, Hergé fils de Tintin et Lire Tintin, les bijoux ravis, ainsi que des monographies sur Rodolphe Töpffer. Avec le dessinateur François Schuiten, il a publié la série de bande dessinée Les Cités obscures (Casterman), série traduite dans le monde entier, et pour laquelle, les deux auteurs ont obtenu de nombreux prix. Pour l’EHESS, dont il est diplômé, Benoît Peeters est revenu, en janvier 2020, sur son parcours, entre écriture et université :
"J’ai fait une licence de philosophie à la Sorbonne, tout en publiant un premier roman aux éditions de Minuit, Omnibus. À cette époque, j’ai fait la rencontre déterminante de Roland Barthes qui m’a dit : « Je vois bien que vous avez surtout envie d’écrire... Développez vos projets sans vous laisser bloquer par un cadre universitaire ». Mais le travail de réflexion m’intéressait déjà autant que l’écriture de fiction. Je suis entré à l’EHESS à l’automne 1976. L’année suivante, j’y ai entamé, sous la direction de Barthes un travail de diplôme sur Les Bijoux de la Castafiore, la plus étrange des Aventures de Tintin. Deux autres éléments m’ont conduit vers la bande dessinée : la lecture du premier numéro du magazine (À suivre), en février 1978, et les retrouvailles avec mon ami d’enfance François Schuiten, quelques mois plus tard. Le monde de la bande dessinée était en pleine effervescence. J’ai eu le sentiment que ce qui me passionnait, intellectuellement et littérairement, pouvait y trouver sa place. C’est comme cela que nous avons commencé 'Les Cités obscures' (Casterman), vers 1980, sans imaginer un instant que nous réaliserions autant d’albums ensemble. "
Dans la première partie de sa conférence, diffusée hier, nous avons découvert le précurseur de la bande dessinée Rodolphe Töpffer. Benoît Peeters rappelle comment en 1837, ce dernier présentait son album "Monsieur Jabot" :
"Ce petit livre est d’une nature mixte. Il se compose d’une série de dessins accompagnés d’une ou deux lignes de texte. Les dessins, sans ce texte, n’auraient qu’une signification obscure ; le texte sans les dessins ne signifierait rien. Le tout ensemble forme une sorte de roman, d’autant plus original qu’il ne ressemble pas mieux à un roman qu’à autre chose."

Benoît Peeters explique :
"Töpffer était persuadé de l’avenir de cette nouvelle forme de récit, mais il n’aurait jamais pu imaginer l’importance qu’elle allait prendre."
" Oscillant entre la presse et le livre, l’enfance et l’âge adulte, la caricature et le réalisme, jouant des cases et des strips, du découpage et de la mise en page, des phylactères et des onomatopées, la bande dessinée est un médium à part entière , souligne l'écrivain-scénariste."

Aujourd’hui, il s’attache notamment "au principe clé des métamorphoses et des ellipses" dans le 9e art et il tente une définition de la bande dessinée, art si libre et ouvert…

Nous gagnons le Collège de France le 7 octobre 2020, aujourd’hui Partie 2 : les métamorphoses à de la bande dessinée à partir de Winsor McCay.
Pour prolonger :

"Little Nemo in Slumberland", la célèbre bande dessinée de Winsor McCay, est consultable dans Gallica : "Retrouvez-la dans l’édition européenne du "New York Herald", aussi appelée "Paris Herald". Un supplément consacré aux bandes dessinées paraissait le dimanche, et reprenait les mêmes séries que la version américaine du journal. La numérisation de ce titre a été rendue possible dans le cadre du projet européen "The Rise of Literacy" (Naissance de l’Europe des savoirs), qui vise à faire découvrir l’évolution des pratiques de lecture et d’écriture et leur généralisation, du Moyen Âge à nos jours".
Le site Topfferiana qui "s’intéresse aux histoires en images et autres littératures graphiques du XIXe siècle, depuis Rodolphe Töpffer jusqu’au début du XXe siècle", propose un riche dossier intitulé " Les comics strips du Paris Herald" où l'on retrouve les oeuvres de Winsor McCay et de Charles Forbell, notamment.
L'adaptation des Bijoux de la Castafiore d'Hergé en podcast audio :
Autour de Benoît Peeters
Avec le dessinateur François Schuiten, Benoît Peeters a publié la série de bande dessinée Les Cités obscures (Casterman), série traduite dans le monde entier, et pour laquelle, les deux auteurs ont obtenu de nombreux prix. La Fièvre d'Urbicande (Volume 2 des Cités obscures, Prix du Meilleur Album à Angoulême en 1985) vient d'être publiée en édition couleur et en édition de luxe chez Casterman.
L'année de la bande dessinée au Collège et BD 2020
Avec le dessinateur François Schuiten, Benoît Peeters a publié la série de bande dessinée Les Cités obscures (Casterman), série traduite dans le monde entier, et pour laquelle, les deux auteurs ont obtenu de nombreux prix. La Fièvre d'Urbicande (Volume 2 des Cités obscures, Prix du Meilleur Album à Angoulême en 1985) vient d'être publiée en édition couleur et en édition de luxe chez Casterman.
- Nous vous recommandons la vidéo de la conférence de Benoît Peeters qui ouvre l' Année de la BD au Collège de France pour retrouver toutes les planches commentées par l'historien-théoricien de la bande dessinée.
- L' année de la bande dessinée au Collège de France s'inscrit dans BD 2020. Sur le site du Collège de France, vous retrouverez l'agenda actualisé, pour cause de mesures sanitaire, des prochaines conférences-rencontres, avec les contributions Catherine Meurisse, en compagnie de Bénédicte Savoy, d' Emmanuel Guibert en compagnie de Patrick Boucheron et de Jean-Marc Rochette, en compagnie de Vinciane Pirenne-Delforge.

Archives INA et références musicales :
Références musicales :
- Hymas Tony, Bandes originales du journal de Spirou - CD1, 1989.
- John Williams, John Williams et Steven Spielberg : The ultimate collection, 2017.
- Générique de fin : Cortex, Troupeau bleu, extrait de l'album "Troupeau bleu", 1975.
Archives INA :
- Archive 1 : Interview d'Hergé au micro de Jean Daive, extrait des Nuits magnétiques sur France Culture, magazine "Peinture fraîche", 6 décembre 1979 :
"Après avoir fait le découpage qui consiste des petites pages de croquis de rien du tout, [...] ça naît en même temps, textes et dessins, ça naît en même temps, ce n'est pas un texte illustré ou c'est pas des dessins sur lequel je plaque un texte. Une fois que ce petit découpage est fait, je commence à dessiner alors sur les planches. À ce moment là, je dessine au crayon, mais avec toute la force et la fougue dont je suis capable. Ça veut dire qu'il m'arrive de gommer de raturer, de griffer, de percer le papier, même parfois, qui est pourtant un fort papier à dessin. Et quand ce travail là, quand je suis arrivé à ces dessins... bien d'autres... ce n'est pas non plus très ordonné... Et à partir de ce moment là, quand ce dessin me donne satisfaction, enfin à peu près, "là il est bien". Ça me paraît bien refléter ce que je veux rendre. Alors là, je prends un calque pour essayer de retenir de tous ces traits, de d'extraire le bon et je le reporte sur une feuille propre. C'est un procédé, les Japonais utilisent ça très souvent."
- ARCHIVE 2 : Sketch de Gui Bedos, "Scruntch", inter-actu 1974 et commentaires de Goscinny et Uderzo à la suite du sketch.
- ARCHIVE 3 : interview d'Emil Ferris en 2018, à l'occasion de la publication en français de son roman graphique " Moi, ce que j'aime c'est les monstres" (Ed. Monsieur Toussaint Louverture, 2018, Traduit de l’anglais par Jean-Charles Khalifa). La dessinatrice américaine est au micro de François Angelier, dans le cadre de Mauvais Genre (traduction de Xavier Combe).
Je pense que les artistes sont des sorcières, indique Emil Ferris. En fait, nous jetons des sorts. L'art Graphique, c'est un sort que l'on jette sur la feuille. Les Egyptiens, les hiéroglyphes, l'image, la signification, et bien de quoi s'agit-il? De sorts. C'est un art ancien, celui que de jeter des sorts.

Le livre est un monstre. C'était un petit peu comme un Frankenstein, ce livre, dans un genre différent. C'est un mystère. Je voulais qu'on ait une expérience qui consiste à monter dans un autobus, trouver un cahier à spirale dont on ignore le propriétaire, mais que l'on prend et dans lequel on est happé. Et la vie ce n'est pas qu'un seul jour, ce n'est pas qu'une seule expérience. Il y a toute notre histoire, nos voisins, notre enfance, nous-mêmes, c'est tout. C'est donc tout ce qui touche, tout ce qui nous entoure. En même temps, cette réflexion sur ce moment là, c'est ma vie, 1968.
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