

Quel est le statut de l’écrit dans les alliances au Proche Orient ancien ? A quoi ressemblent ces textes diplomatiques ?
- Dominique Charpin Assyriologue, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire "Civilisation mésopotamienne"
Comment le droit et la religion se mêlent-ils dans les alliances qui relèvent d’une cérémonie complexe, où l’on prête serment, où les termes sont discutés au préalable, où clauses et automalédictions sont retranscrites ? Quel rapport entre alliance diplomatique et mariage? Les tablettes parmi les plus anciennes qui nous sont parvenues étaient -elles des brouillons pour certaines? Quand et pourquoi les traités, serments de fidélités ont-ils été solennisés ?
Dominique Charpin, épigraphiste, philologue et archéologue, titulaire de la chaire "Civilisation mésopotamienne" rappelle que
"dans un premier temps, les tablettes servaient seulement à transmettre à celui qui jurait le texte exact de l'engagement qu'on souhaitait lui faire prendre par serment."
L'Assyriologue souligne le "caractère strictement personnel des engagements" et commente l’usage de « nouer » ou de « couper la frange d’un habit » dans le cadre des traités diplomatiques et des alliances matrimoniales pour faire connaître son accord ou au contraire « son hostilité ».
Ainsi « Hammu Rabi est prêt à de bonnes relations et à nouer la frange ».
C'est au milieu du deuxième millénaire, que "l'écrit fut en quelque sorte sacralisé", explique encore Dominique Charpin :
"Les tablettes furent pourvues de sceaux : ceux des rois qui s'engageaient dans un premier temps, ceux du dieu national à l'époque néo-assyrienne. Les textes étaient parfois reproduits sur des supports prestigieux comme le bronze, l'argent, ou jugés plus pérennes que l'argile, comme la pierre."
Il évoque aussi ces deux petits trous qui permettent soit de glisser, peut-être une petite cordelette pour le sceau, ou ceux qui vont servir à suspendre les tablettes. La question de la conservation de ces documents se pose alors. Les tablettes peuvent être accrochées au mur d’un temple. Dès lors chacun peut les consulter.
Quelle est dès lors la fonction de la relecture ? Certains textes nous disent qu’elle sert un apprentissage, la mémoire d'un engagement et d’autres nous indiquent qu’elle se met au service d'une nouvelle négociation.
Ici le chercheur procède de questions en questions. Dans la présentation de sa leçon inaugurale, Dominique Charpin rappelait :
"Aucun écrit de la civilisation mésopotamienne n’est parvenu jusqu’à nous par le biais d’une tradition ininterrompue, comme c’est le cas des ouvrages de l'Antiquité classique, grecs ou romains, ou encore des livres bibliques : tous les textes dont dispose l'assyriologue—comme on appelle le spécialiste des tablettes cunéiformes—sont issus de fouilles, et c'est ce qui fait leur prix. Ces documents, qui ont survécu grâce à un support presque indestructible, l'argile, présentent l’avantage de n’être pas biaisés comme le sont des récits postérieurs aux événements : mais cette documentation « brute » doit, pour être exploitée correctement, être étudiée dans son contexte et selon des méthodes rigoureuses."
Et nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, pour le cours de Dominique Charpin, Les alliances au Proche-Orient ancien, entre diplomatie et religion, "Les traités et l’écrit", 25 mai 2016.
Pour prolonger :
Présentation du Code d'Hammu-rabi sur le site du Louvre : "Le Code de Hammmurabi est l'emblème de la civilisation mésopotamienne. La haute stèle de basalte érigée par le roi de Babylone au XVIIIe siècle av. J.-C. est une oeuvre d'art, un ouvrage historique et littéraire et le recueil juridique le plus complet de l'Antiquité, antérieur aux lois bibliques. Transporté par un prince du pays voisin d'Élam en Iran, au XIIe siècle av. J.-C., le monument fut exposé sur l'acropole de Suse au milieu d'autres chefs-d'oeuvre mésopotamiens prestigieux."
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