Qu’est-ce qui se joue avec les violentes réformes étatiques au début du XIXe siècle dans l’Empire ottoman? s'interroge Edhem Eldem. En abolissant la milice des janissaires, à quelle purge procède le sultan Mahmud II en juin 1826? Quelle est l’imagerie des janissaires? Qu’est-ce que la Sublime Porte?
- Edhem Eldem professeur d'histoire à l'Université de Bogaziçi à Istanbul, titulaire de la chaire internationale d'histoire turque et ottomane au Collège de France
Rediffusion du 9/10/2019
Grand spécialiste du monde ottoman, professeur à l’université de Boğaziçi, Edehm Eldem a enseigné aux universités de Berkeley, Harvard, Columbia, mais aussi à l'EHESS, avant d’être nommé, pour cinq ans, titulaire d’une chaire Internationale du Collège de France, consacrée à l’histoire turque et ottomane.
Cette histoire complexe est abordée selon deux axes majeurs : les processus de modernisation et les rapports avec l’Occident, dans le long XIXe siècle. Dans le cadre de sa série pluriannuelle intitulée « L’Empire ottoman et la Turquie face à l’Occident », l’historien met l’accent sur les années « 1820-1830 ».
Dans le cours précédent, nous avons vu que Selim III avait cherché à réorganiser l'armée et que les janissaires se sont révoltés. En marchant sur Constantinople, ils ont déposé le sultan qui a été exécuté en juin 1808. A Mustafa IV, sultan pour quelques semaines, succède alors Mahmud II (1808-1839) qui va être le grand initiateur des réformes.
Edhem Eldem rappelle :
"C’est au beau milieu de la révolte grecque (1821-1829) que le sultan décida de passer à l’action et de porter un coup décisif au corps des janissaires. Avait-il été encouragé par la très récente victoire de Missolonghi ? Pensait-il que leur insuccès pendant le conflit avait suffisamment terni la réputation des janissaires ? Était-il mû par une admiration mêlée de jalousie provoquée par l’exemple des troupes formées à l’occidentale que le gouverneur d’Égypte Mehmed Ali Pacha avait envoyées à sa rescousse ? "
Edhem Eldem revient sur la destruction des janissaires, ces soldats-esclaves, élite de l’armée turque. Il interroge cette histoire douloureuse et revient sur ce qui a été appelé "l'heureux événement" :
"Les 15 et 16 juin 1826, Mahmud II lança une offensive des plus violentes contre les quartiers-généraux et les casernes des janissaires en plein coeur de la capitale. "
L'historien cite un "Rapport de l’ambassade, en 19 juin 1826" :
"Les Janissaires sont abolis ; quiconque se dit Janissaire est mis à mort. Tous les officiers du corps, sauf un petit nombre, sont déclarés hors la loi. On les exécute, dès qu’on les trouve ; le gouvernement se montre implacable, et rien n’égale sa rigueur cruelle, que sa prodigieuse activité dans les mesures propres à consolider son triomphe : ce triomphe paraît complet. Il est maître partout, et partout l’ordre a reparu. Chacun vaque de nouveau à ses affaires.
Mais toutes les traces d’un si grand coup n’ont pu disparaître encore. Tout ce qui a été janissaire n’est point détruit, et ne peut pas l’être, au moins de sitôt. De là, cet air sombre et inquiet qui trahit les sentiments divers de tant d’individus compromis ou qui croient l’être.
Les ministres, les Ridgials, les Oulémas sont réunis encore au sérail ; ils y sont sous la tente. C’est l’image d’un camp turc à la guerre".
Nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 18 janvier 2019, aujourd’hui, "les violentes réformes".
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