Pourquoi l'essoufflement des idées & des explorations des années post-68? Qu'est-ce que la culture de gouvernement et que veut dire l'exercice de la volonté en politique? Pierre Rosanvallon questionne le "parler vrai" en démocratie et l'application de mesures cruelles pour le tournant de la rigueur.
- Pierre Rosanvallon historien, professeur émérite au Collège de France, titulaire de la chaire d'Histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France
Rediffusion du 6 mars 2017
Pierre Rosanvallon, titulaire de la chaire Histoire Moderne et Contemporaine du politique arrive au terme de sa première série de cours qu'il consacre au laboratoire intellectuel et politique des années 1968-2018. Cette série engagée dans le contexte d’effritement démocratique et après le Brexit et l’élection de Donald Trump à le tête des Etats-Unis, se poursuivra en 2018.
Après l’examen des « explorations enthousiastes » de la période post-68, en première partie, l'historien-philosophe a interrogé, la semaine passée, le désenchantement des années 1980, "l'hiver" des idées intellectuelles et politiques…
Le cours précédent avait questionné la cruelle conquête du pouvoir de la gauche, élue avec un "vieux programme", l'idéologie l'emportant sur la recherche de l'intelligible et sur le débat d'idées. Après avoir présenté la longue histoire du concept de nationalisation, une des mesures phares du programme de la gauche, Pierre Rosanvallon propose d'étudier dans cette ultime heure consacrée au triste tournant des années 1980, quels sont les rapports successifs du socialisme français à l'exercice du pouvoir. Notre historien-philosophe du politique analyse 3 modèles : l'abstention révolutionnaire, la culture des 100 jours et ce qu'il appelle "la schizophrénie assumée". Il s'interroge comment le socialisme d'idées s'est réduit à un parti de classe.
Il y a une certaine mélancolie politique quant au regard que Pierre Rosanvallon pose sur le grand tournant de la rigueur pour les socialistes au pouvoir en 1983, contraints à des mesures cruelles par l'évolution économique. Surtout il met en valeur l'euphémisme des discours pour accompagner ce tournant, qualifié de "pause", de "reprise de souffle". "Tout cela consistait à ne pas assumer, souligne notre historien, la signification réelle de la cure d'austérité, qui était faite au pays". Il cite Louis Mermaz qui a sobrement évoqué « un répit nécessaire » et qui en "homme cultivé" tente néanmoins une "interprétation de l'événement en des termes qui faisaient écho à la théorie de l'exercice du pouvoir de Blum". Pour Louis Mermaz, il aurait fallu montrer pourquoi les difficultés :
"pourquoi après des réformes sociales de la première année du gouvernement Pierre Mauroy, nous avons dû pour des raisons intérieures et internationales, faire une politique de rigueur et pourquoi, nous sommes obligés de prendre des mesures sévères. Il faut expliquer cela, le mettre en perspective".
Mais c’est le silence et le manque d’explications qui ont dominé la gauche au pouvoir, muée "en simple gestionnaire de la crise". Pourquoi dès lors cette incapacité intellectuelle à gérer le plan de rigueur, une austérité de gauche ?
Pierre Rosanvallon pose le problème du sens ou de la critique du capitalisme. Il questionne le bilan de la 2e gauche et de son laboratoire d’idées. Mêlant l’histoire à son itinéraire personnel, ses réflexions, Pierre Rosanvallon explique comment il a redécouvert à ce moment là les articles du Vieux Cordelier et le fait que la démocratie est inséparable du "parler vrai". Il évoque l’affirmation d’un Desmoulins soulignant que :
le propre de la République est d’appeler les choses par leur nom.
Le cours s’achève sur la nécessité de traiter le peuple, les citoyens en adultes. Il n’est jamais bon de cacher la vérité. "Il aurait fallu anticiper la rigueur", note notre théoricien de la démocratie, qui pose le problème de la méthode. Le but doit-il être plus décisif que les moyens ? Qu’est ce que la confiance en démocratie ?
Et nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 8 février 2017, pour le cours de Pierre Rosanvallon, aujourd’hui « La culture de gouvernement »
Pour prolonger :
La Bibliographie de Pierre Rosanvallon et La Vie des Idées sur le site du Collège de France
Le site de La Vie des Idées : "coopérative intellectuelle, lieu de débat et atelier du savoir, La Vie des idées veut être un réseau de compétences qui dépasse les frontières géographiques et croise les champs disciplinaires, tout en cherchant à rester accessible au plus grand nombre".
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
L'équipe
- Production
- Réalisation