Quel régime de travail réellement humain ? : épisode • 6/9 du podcast Les figures de l'allégeance (la reféodalisation des institutions)

Comment l’évolution du travail en ce début de XXIe siècle reflète-t-elle le nouvel état du rapport des forces politiques et économiques?
Comment l’évolution du travail en ce début de XXIe siècle reflète-t-elle le nouvel état du rapport des forces politiques et économiques? ©Getty - 	Daily Herald Archive
Comment l’évolution du travail en ce début de XXIe siècle reflète-t-elle le nouvel état du rapport des forces politiques et économiques? ©Getty - Daily Herald Archive
Comment l’évolution du travail en ce début de XXIe siècle reflète-t-elle le nouvel état du rapport des forces politiques et économiques? ©Getty - Daily Herald Archive
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Face à la crise de l’Etat social, comment définir un nouveau compromis entre la liberté d’entreprendre et la protection des travailleurs? s’interroge Alain Supiot. Comment l’évolution du travail en ce début de XXIe siècle reflète-t-elle le nouvel état du rapport des forces politiques et économiques?

Avec
  • Alain Supiot Juriste, docteur honoris causae, professeur émérite au Collège de France

Comment cette évolution du travail résulte-t-elle de la tension entre deux conceptions du travail, l’une orientée vers la flexisécurité et l’autre vers la recherche tâtonnante d’un nouveau régime de travail réellement humain ?Depuis la semaine passée, Alain Supiot, titulaire de la chaire État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités,  s’attache aux effets du recul du gouvernement par les lois, sous l’effet de la globalisation et de la gouvernance par les nombres, le calcul d’utilité. L’analyse juridique lui permet d’observer de manière privilégiée les grandes mutations qui nous touchent. La série de cours qu’il nous propose met en valeur l’émergence de nouvelles « Figures de l’allégeance ».Le juriste, membre de la Commission mondiale sur l'avenir du travail, a interrogé dans le cours précédent les deux legs de la première guerre mondiale, la gestion industrielle de la ressource humaine, d’un côté, et l’OIT, l’Organisation internationale du Travail qui va fêter ses 100 ans en 2019. Il a ouvert la grande question de « l’interprétation de la notion de travail réellement humain » ; il a indiqué que 

« dans son sens fort, c’est le travail lui-même qui doit être réellement humain. » 

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Mais « La notion de « régime de travail réellement humain » peut toutefois s’entendre de façon moins exigeante, en considérant que c’est le « régime » qui doit être humain, et pas forcément le travail. Ainsi compris, l’objectif fixé à l’OIT consiste à rendre humainement supportable un travail qui ne l’est pas forcément en lui-même. Cette interprétation, a-t-il souligné, est celle qui a prévalu après la Première Guerre mondiale et jusqu’à nos jours. Le résultat de ce consensus a été une réduction du périmètre de la justice sociale aux trois domaines évoqués par la Constitution de l’OIT : celui des termes quantitatifs de l’échange salarial (salaire, temps de travail, prestations sociales) ; celui de la sécurité physique au travail ; et enfin celui des libertés collectives (libertés syndicales et négociation collective). En revanche, la question de la direction du travail a été entièrement située du côté de la technique. »

Enfin Alain Supiot souligne : 

« Le droit du travail a ainsi servi à concilier les deux apports a priori inconciliables de la Grande Guerre : d’un côté la réification du travail, métamorphosé en « force de travail » qu’on peut acheter et vendre comme on le ferait de l’énergie électrique, et d’un autre côté, l’insertion dans tout contrat de travail d’un statut salarial qui protège la personne du travailleur contre les effets physiques et économiques de cette réification. Ainsi conçu, le droit du travail a rendu soutenable la fiction du travail-marchandise et constitué, avec le droit de la sécurité sociale et les services publics, l’une des bases institutionnelles d’un marché du travail. »

Alors quelle est la « rupture du compromis fordiste, voulue et organisée par les tenants de l’ultralibéralisme, pour qui le statut salarial est une entrave  à l’ordre spontané du marché et une source de coûts et de rigidités » ? s’interroge Alain Supiot, Comment la défense du statu quo, comme le démantèlement des sécurités héritées de l’ère fordiste, ne sont pas de solutions viables à long terme ?Comment la révolution numérique et la gouvernance par les nombres, les objectifs chiffrés ont-ils modifié profondément l’organisation du travail ?Et nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 28 mai 2014, pour le cours d’Alain Supiot, « Les figures de l’allégeance », aujourd’hui "Quel régime de travail réellement humain ?"

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