

Comment finir une oeuvre et recommencer un projet? Pourquoi l'achèvement dans les comportements de création est-il si ambivalent? demande Pierre-Michel Menger. Les artistes travaillant sous statut indépendant, non-salarié sont-ils très différents dans leur rythme de travail des autres indépendants?
- Pierre-Michel Menger sociologue, titulaire de la chaire Sociologie du travail créateur au Collège de France
Quel lien y a-t-il entre le facteur de la motivation intrinsèque et le cheminement incertain du travail créateur ?
Pierre-Michel Menger, titulaire de la chaire de Sociologie du travail créateur, au Collège de France et directeur d’études à l’EHESS, nous entraîne dans une grande enquête autour du « Travail et du processus de création » et de la question de l' achèvement ou non d 'une œuvre.
Dans le cours précédent, le sociologue s'est attaché à la question de l'incertitude.
"Créer, nous a-t-il rappelé, c'est ne pas savoir d’avance ni quel sera le résultat, ni quelle sera la quantité d’essais et d’erreurs qui vont surgir durant le processus de travail, ni où se situe le point d’inflexion à partir duquel plus d’effort sera improductif. Et parce que le résultat ne peut pas être anticipé comme une cible certaine qu’on pourrait atteindre assez sûrement à l’aide d’un bon schéma de travail, l’artiste peut se réjouir d’être surpris, ou même dépossédé des moyens de contrôler complètement son action. L’artiste mettra les surprises stimulantes ou désarmantes de son activité en balance avec le labeur de ses tâtonnements."
Pierre-Michel Menger a rappelé également :
"La théorie économique classique établit que l’incertitude sur le succès dans certains métiers a pour corrélat une considérable dispersion des gains et inégalité des revenus (Marshall, 1906)."
Dès lors, comment la sociologie intègre-t-elle dans ses enquêtes, la dimension d’incertitude?
Pierre-Michel Menger indique :
"l’incertitude agit directement sur les chances de soutenir une carrière pour un artiste et d’attirer suffisamment l’attention sur son travail pour en obtenir les ressources indispensables à la poursuite et à l’amplification de l’activité".
Le sociologue propose donc de mettre de côté un temps, "la description quasi phénoménologique du comportement de travail", et "d'examiner en détail quelles relations ou absences de relations entretiennent la quantité de travail mise à réaliser une œuvre, le revenu qui est procuré par l’activité et les inégalités de situation des créateurs sur ces deux dimensions."
Alors pourquoi le « sérieux de l’activité » n’est-il pas vérifiable dans le travail créateur? Quels sont les rythmes de travail ? Comment mesurer les pratiques de médiation et de rumination qui peuvent entrer dans le cheminement des artistes? Quelle est l’emprise du travail créateur ? Comment est-il un élément essentiel de la vie, pour lequel il n’y aurait pas de fuite dans le loisir ?
Comment des artistes se retrouvent-ils à travailler jusqu’à 80 ans à la fois par goût et par nécessité? Quelle est l’intensité des efforts fournis dont témoignent les créateurs?
Quelle est la part de réalisation de soi, d’autonomie, de perfectionnement ? Quelles sont les asymétries selon les situations?
Nous gagnons l’amphithéâtre du Collège de France, le 15 mars 2019, pour le cours de Pierre-Michel Menger, « Comment achever une œuvre ? » Aujourd’hui « Thématiser l’incertitude (suite) »
Extraits sonores

Extrait du "Concertino", de Michel Magne, 1er Mouvement, « le Rire », extrait de l’album Musique Tachiste, illustré par Sempé et texte de Michel Magne de 1957 ( Cacophonic)."
Archive INA : interview de Michel Magne à son piano dans le château d’Hérouville en 1974, où il avait accueilli les caméras de la télévision pour l’émission Les musiciens de la pellicule diffusée le 15 octobre 1974, réalisation de Josée Dayan et une production de Michel Gonet (archive reprise dans le cadre de "Continent Musique" de Matthieu Conquet avec Etienne de Crécy, 31 janvier 2015). Michel Magne évoque la difficulté de vivre de sa musique "tachiste", "la vache enragée" à ses débuts, contrebalancée par la spontanéité de son art, l’inspiration et l’expérience et la joie de faire des musiques de film...
Comment Michel Magne a-t-il révolutionné l'enregistrement créateur?
Emmanuel Tellier, " La folle histoire d’Hérouville, château pour rock stars, Télérama, Publié le 26/07/2013:
"L'idée de génie de Magne, souligne Emmanuel Tellier, c'est de proposer le gîte et le couvert aux musiciens de passage. Une révolution, car, même au temps des Swinging London finissantes, la vie du musicien en studio n'a rien d'une rigolade. Les séances de prises de son sont dirigées par des ingénieurs en blouse grise, salariés des maisons de disques qui laissent peu de place à la liberté, à la recherche. Pas question de fumer ou de boire ; ni de discuter les partis pris techniques. Il faut arriver tôt le matin, et ranger les guitares vers 17 heures. On va au studio comme on se rend au bureau... Sans le savoir, Magne invente ce qui s'imposera dix ans plus tard comme la norme partout dans le monde : le studio résidentiel. Très vite, les musiciens accourent de partout, Londres, New York, San Francisco. « A Paris, on me disait que personne ne ferait 30 kilomètres pour venir enregistrer en rase campagne. Puis les gens ont vu que les groupes américains traversaient l'Atlantique, alors... » s'amuse-t-il dans un livre de souvenirs publié en 1980 . Le son du grand studio George-Sand est d'une clarté et d'une précision magnifiques, et les ingénieurs du son d'Hérouville (dont le tout jeune Dominique Blanc-Francard), excellents."
Générique de fin : " Epilogue", extrait de la BO de Justin Hurwitz pour le film musical "La La Land", 2016
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