Des pierres à l'homme, l'itinéraire de Jean Malaurie

Jean Malaurie, 03/05/2001
Jean Malaurie, 03/05/2001 ©AFP - PIERRE ANDRIEU / AFP
Jean Malaurie, 03/05/2001 ©AFP - PIERRE ANDRIEU / AFP
Jean Malaurie, 03/05/2001 ©AFP - PIERRE ANDRIEU / AFP
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Jean-Christophe Rufin reçoit Jean Malaurie, ethnologue, géographe et écrivain qui fait le récit de sa vie d'explorateur du Grand Nord.

Avec
  • Jean Malaurie Ethnologue, géographe spécialisé en géomorphologie, directeur et fondateur de la collection Terre Humaine

Le récit débute par l'enfance de Jean Malaurie : Mayence, les bords du Rhin et la Forêt Noire. Puis il évoque la 2nde guerre mondiale et la résistance dans le Vercors pour fuir le STO. 

Ce que j'apprends c'est que l'intelligence, si elle n'est pas liée à une morale, n'a pas de sens. Donc je me dis que si j'arrive à m'en sortir, ce n'est plus à Normale Supérieure, plus à la Sorbonne, c'est chez les primitifs que je me formerais. Et c'est là que ma vocation pour Thulé est née.

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Les premières expéditions glaciologiques françaises à Thulé au Groenland, puis en solitaire en 1950 pour le CNRS.

Au retour de cette mission autorisée pour un an, je découvre du haut du glacier avec deux compagnons esquimaux, des oiseaux étranges qui atterrissent dans cette région où il n'y avait personne saut cent igloos inuits, et c'est en effet la création de la base américaine.

Les vibrations de la pierre sont une parole, selon les Inuits qui sont animistes. Jean Malaurie raconte sa rencontre avec le chaman Uutaaq. Les Inuits s'intéressent à l'origine de la Terre. Il développe alors l'écosystème des pierres : Gaïa, Terre-Mère ; l’homéostasie de James Lovelock, et son grand sujet de thèse sur les éboulis ordoviciens du nord du Groenland. La nature n’aime pas le désordre.

Dans le cours de cet entretien, le chercheur revient sur la fondation de la collection "Terre Humaine" aux éditions Plon en 1954, avec la parution de son ouvrage Les derniers rois de Thulé puis de Tristes tropiques de Claude Levi-Strauss en 1955 et Les Immémoriaux de Victor Segalen en 1956. Mais c'est aussi une collection qui s'ouvre à l'ethnographie plus proche avec un livre comme Le Cheval d’orgueil : mémoires d’un Breton du Pays bigouden de Pierre Jakez Hélias en 1975.

J'ai décidé de créer cette collection "Terre Humaine" qui n'est pas dans la ligne de Saint-Exupéry, "Terre des hommes" : c'est une terre qui n'existe que s'il y a une fraternité entre l'homme et la terre. Il y a là déjà une idée animiste.

Pour finir, l'explorateur raconte Thulé et le mythe apollinien ; la tentative nazie de falsifier son message avec la Gesellschaft von Thule et le très mystérieux Ahmenerbe...

Thulé est à l’extrême nord, c'est au 79ème degré et lié au Pôle Nord, or le Pôle Nord est lié à Apollon. Le Pôle Sud ne fait l'objet d'aucune réflexion mythique mais les Grecs de trois siècles avant Jésus Christ ont réfléchi sur le Pôle Nord. [...] Ce n'est pas un lieu quelconque. Et je le dis : les mythes ont du pouvoir [....] et ils deviennent dictatoriaux.

Le savant lance aussi un SOS Terre, car la terre est polluée et les peuples premiers sont les plus menacés, alors qu'ils connaissent mieux que quiconque le lien entre la nature et l'homme.

Derrière la défense de l'environnement, il y a une pensée spirituelle, il y a une spiritualité de l'animisme. Je suis profondément animiste, ce n'est pas simplement pour dire que je suis proche de sorciers : c'est une lecture spinozienne de cette nature qui a une dimension religieuse.

Références musicales : Chants d'Inuits

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