Obstacle naturel entre les hommes (nature, relief, végétation, faune, climat…), le Sahara est de plus en plus un espace jointif. Dans l’histoire, le Sahara n’a pas toujours été une « frontière naturelle » entre les hommes.
- Georges Courade directeur de recherche honoraire à l’Institut de recherche pour le développement (IRD)
On se rappelle les routes des caravanes, les peuples nomades, le commerce des esclaves, la traite noire, l’arrivée des empires coloniaux, etc.
Aujourd’hui, et souvent pour de mauvaises raisons, il redevient une région carrefour, ou plutôt un monde interface : conflits armés, terrorisme, islamisme radical, criminalité organisée, trafics divers… Les spécialistes soulignent même que certaines agglomérations deviennent de plus en plus peuplées.
Quel regard contemporain d’ordre géopolitique peut-on donc porter sur le Sahara ? Comment cette zone unique au monde s’inscrit-elle dans son environnement (Afrique du Nord, Corne de l’Afrique, Sahel) ? Th. G.
Depuis une poignée de décennies, cette terre de conquête connaît une poussée démographique considérable. Une fois les gisements d’hydrocarbures découverts, les concessions pétrolières et gazières ont constellé la vaste étendue de pierres et de sable, charriant des lots d’ingénieurs et de fonctionnaires venus du Nord et sédentarisant les populations nomades. Les vagues de migration continuent de déferler, alimentant la forte croissance des agglomérations traversées par les principaux axes routiers. Ghardaïa, El Minia, In Salah, Tamanrasset, Taghit, Timimoun, Adrar… toutes ces anciennes bourgades du désert sont désormais devenues des villes capitalistes à part entière : consuméristes et polluantes.
En raison de l’urbanisation galopante, « la pression sur l’eau est perpétuelle et le rabattement de la nappe s’accentue davantage du fait qu’elle subit actuellement un déstockage. Les possibilités de renouvellement existent, mais demeurent très limitées », remarquent-ils. Or le Sahara cache sous ses plateaux et ses dunes un trésor précieux : celui de la nappe de l’Albien. La plus grande réserve d’eau douce au monde contiendrait à elle seule près de 50 000 milliards de m3 d’eau directement menacés par l’exploitation du gaz de schiste. Combien de temps encore cet océan d’eau douce pourvoira aux besoins d’une population toujours plus nombreuse et plus que jamais victime du changement climatique ?
Car un bon milliard de personnes vivent au sud du Sahara. Et on en prévoit le double d'ici la moitié du siècle. Ces personnes, et c'est le propre de l'humanité, sont en quête d'une existence digne, de la perspective de mener leur vie comme elles l'entendent. Mais il y a des freins à ce développement. L'exploitation des ressources, la corruption, la défaillance des États sont autant de phénomènes qui prennent une dimension plus concrète au vu des révélations des Panama Papers. Les dossiers du cabinet de conseil panaméen Mossack Fonseca illustrent comment des élites locales sahariennes et des hommes d'affaires étrangers (parfois des magnats industriels) font sortir des pays les recettes générées par les industries extractives en passant par des sociétés écrans, ne laissant que des États faibles et incapables de fonctionner, et des peuples assujettis. Tous les ans au moins 53 milliards d'euros sortent illégalement d'Afrique, et selon des estimations cela pourrait même être le double. C'est en tout cas bien plus que le montant de l'aide au développement. Serait-il possible que la communauté internationale se soit trompée dans ses priorités quand elle affirme lutter contre la pauvreté ou, comme on le dit aujourd'hui, contre les "causes de l'exode" ?
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