- Serge Michailof Chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), auteur notamment de Africanistan (Fayard, 2015)
**Une tendance à l’afro-optimisme est en train de supplanter l’afro-pessimisme de rigueur depuis des décennies. En conséquence, on peut se demander si l’avenir de l’Afrique subsaharienne ne passera pas entre les deux, avec des développements en taches de léopard. ** L’analyse de notre invité penche vers un afro-pessimisme modéré et s’appuie notamment sur la zone sahélienne. De fait, de la Mauritanie au Soudan voire à la Corne de l’Afrique, cette région est traversée par des violences multiples, armées, très différenciées, durables. Qu’on songe aux États fragiles ou faillis, à l’islamisme radical, aux divers trafics.
Au centre de cette réflexion, la question du développement, prérequis de toute évolution positive. Or, justement, les maux dont souffre le Sahel ne sont pas traitables dans le court terme : la déferlante démographique aura des conséquences considérables, comme dans le reste de l’Afrique.
Dans ce contexte, pourquoi éducation et emploi, d’ailleurs liés, sont-ils des dossiers prioritaires ?
Th. G.
En Allemagne , l’inquiétude concernant la zone sahélienne vient de l’afflux récent des réfugiés africains, qui viennent s’ajouter aux centaines de milliers de Syriens et d’Irakiens arrivés cette année : ils comptabilisent environ 20% des demandes d'asile déposées en Europe en 2015. Et, ce qui peut sembler paradoxal à première vue, c'est que le nombre de migrants provenant d'Afrique va augmenter avec la croissance économique, très positive, dans certains pays du continent... En plus de ces considérations, pourtant positives sur l’économie, la guerre menée au Mali par les troupes françaises en soutien aux militaires locaux inquiète profondément. La région ne connait plus le calme depuis que le gouvernement, les islamistes et les touaregs se combattent mutuellement. Il existe bien un accord de paix, mais tous sont loin de le respecter.
Sur le côté oriental du Sahel, c’est la violence qui organise la vie au Soudan du Sud qui fait froid dans le dos**. ** Une commission d'enquête mandatée par l'Union Africaine a surtout pu rassembler d'énormes preuves de cannibalisme. Des corps humains auraient été grillés, avant de disparaître. Selon les résultats de l'enquête, tout à fait sérieuse, les combattants des deux camps se désaltéreraient par ailleurs du sang de leurs victimes, qui sont soient des Dinka - l'ethnie du président Kiir, soient des Neuer – l'ethnie de Machar.
En France , on tire un premier bilan des effets de l’indépendance sur la création du nouvel état au Soudan du Sud , quatre ans après : le gouvernement est encore toujours hébergé dans des préfabriqués. Les rares fonctionnaires s’ennuient, s’en vont chez eux ou font la sieste au bureau dès le début de l’après-midi. Près d’un quart de la population a dû fuir sa maison, la moitié est menacée de famine, et davantage encore dépend totalement de l’aide humanitaire.
En Belgique , on examine avec attention la température de la notion de démocratie dans cette Afrique économiquement émergente. La croissance améliore-t-elle la vie démocratique, comme le professent souvent les économistes ? Triste constat : une fois arrivés au pouvoir, par des voies souvent très diverses. Les présidents au pouvoir battent des records de longévité. Il faut bien reconnaître que toutes ces manœuvres politiques ne suscitent guère de réactions. Et quand il y en a, elle varient en fonction des ressources du pays concerné. La France a fait plus que profil bas lors du « référendum » qui a été organisé au Congo-Brazzavile… ce pays ami de la France et qui regorge de pétrole.
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